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ses idées sur la physique et la géographie. Comment se fait-il qu’il fasse beaucoup plus chaud à 1200 mètres qu’au bord du lac de Lucerne et que pas un grain de neige ne paraisse s’émouvoir de ce cuisant soleil. Elle n’y comprend rien du tout. En voilà une qui est acquise à la réforme de l’enseignement !… Ah ! ma chère, on nous apprend tant de choses qui ne sont pas vraies !

Le pauvre skieur ne sait plus du tout comment il est monté là mais il sait encore bien moins comment il en redescendra. Les glissades d’hier avaient parfaitement réussi ; il avait passé plusieurs petits monticules et traversé sans encombre deux ornières gigantesques. Après cela, il se jugeait sûr de lui-même. Et, en effet, l’ascension a très convenablement progressé. Mais maintenant, du haut de cette colline, tout le paysage d’alentour se creuse d’une façon déplorable. Dieu que c’est haut ! Cela va être vertigineux, cette descente. On pourrait l’aborder très en biais mais il faudra tourner sur place, opération inquiétante surtout sur une pareille pente. Mieux vaut prendre son courage à deux skis et se laisser aller. Du regard, la victime examine les sites de chutes probables et son incertitude s’en accroît. Et puis, tout d’un coup, sur un faux mouvement, les skis se décident tout seuls et l’homme les suit, content et inquiet à la fois. Six secondes plus tard, il a culbuté dans la neige. Il est humilié vaguement mais apprécie le confort de cette culbute. La neige l’a reçu à la façon d’une « bergère » Louis XV, dont le coussin s’enfonce gentiment sous votre poids. Et comme elle est gaie, cette neige ! Elle a sauté sur lui sans le salir, presque sans le mouiller, accrochant à ses moustaches et aux mailles de son jersey de jolis diamants qui scintillent au soleil. Décidément, le ski est un plaisir divin. Notez que le cavalier jeté à terre ne choisit pas ce moment pour exalter les beautés de l’équitation…

Ce qu’on voit sur la route : un énorme traîneau à quatre places passe, traîné par des chevaux couverts de grelots aux tintements de cristal. Le traîneau est vide ; il ne contient que des manteaux, des plaids et un vaste panier qui flaire la man-