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EN HIVER DANS LE PAYS D’EN-HAUT


La petite ville sommeillait ; le froid l’a réveillée ; la neige l’a mise debout ; l’arrivée des Anglais l’a remplie de joyeux tumulte. Grands et petits, blonds et bruns, maigres et gras, tous ont une pipe et l’air d’accomplir une chose rituelle, périodique et obligatoire ; une manière de ramadan alpestre pour la santé du corps. Voici une lune de miel de la Suisse allemande : un jeune ménage entreprenant fonçant en luge de toutes les hauteurs avoisinantes. On est toujours sûr de les rencontrer sur quelque pointe audacieuse se préparant au départ ou bien en bas, arrivant à fond de train au milieu d’un nuage de neige soulevée par leur glissade : lui, rouge et radieux ; elle, charmée dans son apeurement et poussant des petits cris de poule effarée. Des Hollandais sont là, calmes et carrés, puis des Genevois dédaigneux, puis des Français… Sur la piste des bobs un Anglais qui a entendu les Français crier : Attention ! et les Allemands : Achtung ! s’embrouille et hurle consciencieusement : Attentung !… Hommage inconscient à la Suisse bilingue.

Difficile d’étiqueter au point de vue national, le Tartarin qui est descendu ce matin du train. L’attirail le plus complexe l’escortait ; il apportait un véritable campement : piolets, alpenstocks, crochets, cordes, skis, luges, bâtons… De loin cet assemblage lui donnait un prestige à faire trembler la montagne, mais il suffisait de regarder ses chaussures pour voir qu’il n’y connaissait rien. Quant à la dame élégante qui portait deux pelisses et trois boas le premier jour, elle n’avait, le lendemain, qu’une pelisse et deux boas, le surlendemain qu’un boa ; dans deux jours, elle mettra une blouse de mousseline et ouvrira une ombrelle. Mais on voit que cela confond toutes