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est comme imprégnée — et à tel degré que, lorsque ses écrivains ou ses artistes obliquent vers les snobismes contemporains, ils s’y enlisent aussitôt et s’y perdent.

Le pays vaudois se profile de même dans les œuvres musicales de Gustave Doret. Il y a dans ces harmonies de grands promontoires rocheux d’aspect inébranlable contre lesquels s’escrime par instant la violence de la bise et au pied desquels vient mourir doucement la fraîche verdure des mélodies populaires. Puis ce sont des traînées d’azur, des horizons ensoleillés où scintille une sensibilité artistique exquise. Et souvent les finales font songer à la longue ligne du Jura dessinant dans le ciel du soir la paix du destin.

Ce qui frappe et charme en tout ce qu’a écrit Gustave Doret, c’est le désintéressement avec lequel il répand autour de lui les richesses de son talent. Des détails surgissent de toutes parts dont d’autres se serviraient pour développer leur pensée, y insister, la mettre en valeur. Lui sème sa fortune sans autre souci que de parfaire l’idée centrale, d’en rendre le relief plus beau et plus saisissant. Il ne veut que traduire par des sons les aspirations qui hantent son esprit. Or ces aspirations sont admirablement humaines ; rien d’humain ne lui demeure étranger. Toutes nos passions se reflètent en lui mais toujours noblement exprimées et comme en mal perpétuel d’ascension.

Ose-t-on parler de l’homme ? Sa physionomie surprend et attire ; un masque de rigueur ascétique la protège contre l’intrus et l’on éprouve pourtant qu’une sorte de radium moral s’en dégage tout chargé d’altruisme.

Gustave Doret a débuté de bonne heure dans la carrière musicale. On voulait faire de lui un médecin, mais, dès l’université, il s’échappait vers d’autres destinées. À dix-neuf ans, à la tête d’un orchestre et d’un chœur que son initiative avait suscités parmi ses camarades, il faisait exécuter dans une fête d’étudiants une pièce de sa composition. Puis ce fut le séjour à Berlin et ensuite à Paris, où Doret devint l’élève de Th. Dubois et de Massenet. À vingt-sept ans, il était chef d’orchestre des concerts d’Harcourt et dirigeait même ceux de la Société nationale de musique dont le Comité fermé aux étrangers