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sacrifices arrivent tout juste à couvrir les frais d’instruction et où la mère se voit forcée, les larmes aux yeux, de refuser à son fils les plaisirs même les plus modestes dont jouissent ses camarades ! Ces inégalités qui gâtent la vie, il les faut bien subir tant qu’on ne peut y remédier. Félicitons-nous du moins que dans nos lycées l’argent ne règne pas comme il règne au dehors. Les petits Français ont bon cœur, ils partagent volontiers, et en matière de tact et de délicatesse, ils rendraient parfois des points à leurs aînés. Vous citerai-je des cotisations volontairement « oubliées » par un trésorier de quinze ans et des déficits secrètement comblés par le richard de la classe ? Non, car ces bonnes actions perdraient leur parfum, qui est le silence.

L’association athlétique n’est pas une école d’inégalité. Et quand le capitaine est un boursier, fils d’un humble employé ou d’un petit commerçant, et qu’il commande à l’héritier d’un sénateur ou d’un riche industriel, je me dis que la devise inscrite au fronton du lycée est mieux appliquée là qu’elle ne l’est souvent dans le monde.

J’espère avoir prouvé, Messieurs, la thèse un peu hardie que j’avais énoncée. Le groupement des élèves est une source d’économie en ce sens que les jeux athlétiques ne pourraient exister sous un autre régime à aussi bon compte. Par le fait que les élèves sont organisés et disciplinés, les dépenses sont grandement réduites. Sans l’association qui les maintient, ils changeraient d’équipes, de jeux et de costumes, selon les variations de leur humeur mobile. C’est encore une économie, en ce sens que beaucoup ont à choisir entre le football et le casino de Paris, la fréquentation de l’un et de l’autre n’étant guère compatible, et je tiens que le casino de Paris coûte plus cher que le football, qu’il vaut mieux lire les règlements de l’Union que de mauvais romans et qu’il est préférable d’avaler un grog après une course que de fumer des cigarettes sur le boulevard.

Pour nous, nos efforts doivent tendre à mettre le plus possible l’association à la portée des moins riches. Mais certains parents nous seconderaient beaucoup s’ils se mettaient un peu au courant de la vie athlétique de leurs fils. Ils pourraient juger de la sorte de ce qui est utile et de ce qui est superflu dans les demandes que ceux-ci leur adressent ; et