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ce qui l’aidera le plus à réussir ; le difficile est qu’à ce tempérament d’homme il joigne la modestie qui convient à un enfant. Sa roche tarpéienne est tout à côté de son capitole. On l’associe en quelque sorte au gouvernement ; le suffrage de ses condisciples, ratifié par l’autorité, le place dans une situation privilégiée et fait de lui un personnage. Qu’en dehors du lycée il continue de se croire tel, qu’il écrive aux journaux ou se fasse interviewer par leurs rédacteurs, et il n’est plus qu’un simple polisson de la catégorie la plus ridicule. Quelque délicate que soit la situation, plus d’un a su déjà s’en tirer à sa louange ; c’est que l’honneur et l’intérêt s’unissaient pour leur dicter leur conduite. L’honneur et l’intérêt se trouvent souvent en contradiction, et cette antinomie est le thème de bien des luttes intérieures ; lorsqu’ils sont unis au contraire, ils acquièrent une puissance de propulsion à laquelle les enfants pas plus que les hommes ne se sauraient soustraire.

J’ai exposé ailleurs quel était le rôle du capitaine dans les écoles anglaises où ses fonctions, singulièrement étendues, sont consacrées par l’usage et la tradition, sans qu’aucun règlement soit jamais intervenu pour les déterminer. Le maître trouve en lui le plus précieux des auxiliaires, et bien souvent, dans ces entretiens familiers qu’ils ont ensemble le soir, j’ai admiré le tact avec lequel le capitaine de seize ou de dix-sept ans s’acquitte de sa mission. Il n’est pas question chez nous de lui ouvrir un si vaste domaine ; rien n’est prêt pour cela et il n’est même pas certain que ce régime convienne jamais à nos enfants français. Mais quand il s’agit de jeux, l’intervention des élèves devient toute naturelle, et il est surprenant qu’on ait été si longtemps à en admettre le principe. J’ai été parfois frappé de voir l’incompétence et la maladresse avec lesquelles certains maîtres pleins de bonne volonté, organisaient et conduisaient les jeux.

Je ne suis pas de ceux qui demandent aux professeurs de jouer avec leurs élèves. En général, la chose a plus d’inconvénients que d’avantages ; mais je leur demande de ne pas faire grise mine à nos associations en feignant de les ignorer et parfois en les ridiculisant. N’avez vous pas remarqué, Messieurs, autour de vous une certaine tendance à démolir