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Dans le petit monde scolaire qui reflète si complètement les passions, les habitudes, les mystères des grandes sociétés humaines, il arrive que les idées flottent en l’air pendant quelque temps avant de se condenser. Il traîne certainement dans les pupitres plusieurs projets de statuts (en France, rédiger des statuts est la préface de tout groupement), le jour où quelques élèves se décident à aller trouver le proviseur pour lui faire part de leur projet. La première idée de ce projet leur vient généralement du dehors. Ils savent que leurs camarades de tel ou tel Lycée ont formé une association et remporté des succès ; ils éprouvent aussitôt l’ambition d’en faire autant. Ou bien, c’est un Parisien qui émigre en province et enflamme ses nouveaux condisciples du récit de ses prouesses. Le prestige qu’exerce la capitale l’aide singulièrement à jeter les bases d’une association. Quoi qu’il en soit, il importe que l’idée ne vienne pas d’en haut ; d’abord, parce qu’il ne convient guère que le chef d’un établissement pousse lui-même ses élèves dans la voie de la nouveauté où un échec est toujours à craindre, échec qui rejaillirait sur lui ; ensuite parce que les élèves manifestent encore une certaine méfiance à l’égard de l’administration. Ils flaireraient aisément un piège en pareil cas, et l’esprit de contradiction aidant, ils se diraient mentalement, inconsciemment même : ah ! tu veux que je joue ! eh bien, je ne jouerai pas. D’autre part, lorsqu’ils envoient le plus entreprenant de leur bande soumettre au proviseur le plan de la future association, celui-ci, en faisant au délégué un accueil favorable, peut lui imposer certaines conditions qui auront par la suite une grande importance. La liste des adhérents doit être tout d’abord l’objet d’un examen attentif. En effet, il y a quelque chance pour que le noyau de l’association ait été recruté uniquement parmi les paresseux, et dans ce cas son avenir est fort compromis : il le sera presque autant d’ailleurs si le recrutement ne s’est fait que parmi les bons élèves. Si la liste est panachée, tout est pour le mieux. Dès sa naissance, l’association aura ses ennemis. Les uns par jalousie, les autres par simple esprit d’opposition affecteront de s’en moquer et chercheront à lui nuire. Je crois que l’opposition est aussi nécessaire à une association athlétique qu’à un gouvernement : elle est la résistance que provoque