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auquel de ses partenaires il convient de passer le ballon pour qu’il file, comme le furet du Bois-joli, de mains en mains.

Ses efforts n’ont pas réussi : son équipe a déjà perdu plusieurs points. Va-t-il laisser le découragement l’envahir ? Le découragement est comme la lumière : sa rapidité de transmission est foudroyante. Un peu de lassitude chez un joueur d’élite, un ralentissement dans ses mouvements, une parole qui lui échappe suffisent pour amener la déroute. Eh bien non ! il va redoubler d’ardeur et les camarades reprendront confiance en le voyant. Une faute vient d’être commise sous ses yeux et il a été sur le point de réclamer, mais le capitaine n’a rien dit, l’arbitre n’a pas sifflé : c’était un « coup franc » ou une mêlée avantageuse pour son camp. Quel dommage ! La pensée que l’arbitre est injuste lui traverse l’esprit : il la chasse et continue de faire son devoir jusqu’au moment où la partie cesse. Alors, s’il peut se rendre cette justice que pas une fois il n’a eu peur, que pas une fois il n’a sacrifié l’intérêt de son camp au désir d’accomplir quelque prouesse individuelle, il sera content de lui… Nul ne m’ôtera de l’idée que le jeune homme qui a passé par là ne soit mieux préparé qu’un autre au football de la vie.

On y retrouve, en effet, toutes les péripéties, toutes les émotions, toutes les obligations qui caractérisent le vrai football ; on y retrouve la mêlée autour d’un ballon qu’il s’agit de capturer. Malheur à celui qui ne sait pas se battre ou qui tombe sous la poussée de ses voisins ! Malheur à celui qui, de crainte de recevoir un mauvais coup, se tient à l’écart et attend ! Malheur à celui qui hésite devant un parti à prendre et perd un temps précieux en tergiversations avec lui-même ! Malheur à celui que l’insuccès abat et qui se laisse aller au découragement ! Et à côté de la loi de labeur individuel, qui vous commande d’être toujours prêt à vous distinguer, toujours prêt à aller de l’avant, il y a la loi de solidarité sociale qui vous place malgré vous sous la dépendance de vos concitoyens : ils forment l’équipe dont vous êtes un équipier. Le sifflet du destin — un arbitre bien souvent critiqué mais qu’il faut subir, hélas ! — vous arrêtera dans une course victorieuse pour une faute dont un autre est responsable, et la force brutale que vous rencon-