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à charger, à se décider, à se taire et à obéir. Comptez, je vous prie, sans parler des qualités physiques, comptez combien de qualités morales sont ainsi mises à contribution : l’initiative, la persévérance, le jugement, le courage, la possession de soi-même, et avouez que le jeune homme devant lequel un tel programme est placé a de quoi faire dans la voie des perfectionnements. Il faut réfléchir à ces choses pour comprendre les paroles que m’adressait une fois un professeur du collège de Harrow : « J’aimerais mieux faire manquer deux classes à mes élèves qu’une seule de ces parties. » J’ai déjà cité ces mots caractéristiques : ils ont été taxés d’exagération et peut-être, en effet, dépassaient-ils la pensée du professeur lui-même : mais comment ne pas s’avouer qu’ils contiennent une grande part de vérité ! L’instruction se refait, le caractère ne se refait pas.

Du courage ! Croyez-vous qu’il n’en faut pas pour charger un homme qui court sur vous ? pour affronter ces mêlées, ces rencontres, ces chocs incessants qui sont tout ce que le spectateur non initié aperçoit tout d’abord ? Comme on l’a dit, tel a peur pour sa peau qui n’a pas peur pour sa vie ; tel reculerait devant une mêlée de football qui demeurerait vaillant devant la bouche d’un canon prussien. Demandez à n’importe lequel de nos meilleurs scolaires s’il n’a pas commencé par être un conscrit un peu timide, s’il n’a pas hésité avant de se jeter bravement dans la bataille ? Il vous dira qu’encore à présent une rapide émotion le parcourt des pieds à la tête, si rapide qu’il en est maître avant qu’elle ne se soit traduite au dehors, mais non pas assez pour qu’il ne la ressente en lui-même. C’est l’éternelle lutte du lapin de garenne et du lapin de choux, formulée par feu Tartarin d’une manière si pittoresque et si vraie.

À tout instant se présentent des occasions de s’emparer du ballon, de gagner du terrain : mais la moindre hésitation les fait échapper et déplace les chances. Un bon joueur saura toujours comment sont disposées les forces de son équipe et celles de l’équipe ennemie. Il jugera où est l’endroit faible de ses adversaires et s’il est lui-même suffisamment soutenu : il calculera en un instant les conséquences d’un arrêt ou d’une chute, se décidera à renverser celui-ci ou à échapper à l’étreinte de celui-là : et sitôt pris, un coup d’œil lui montrera