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mettre quand on le leur expose. Il en est de même pour certaines sciences qui ont leurs spécialistes, mais que le public traite comme si elles étaient entièrement de son domaine. Tel qui regarderait à avancer quoi que ce fût, en fait de chimie ou d’astronomie, bavardera sur l’économie politique avec autant de facilité que sur un vaudeville ou une recette de cuisine ; et les économistes seront à ses yeux de vrais charlatans, parce qu’ils fabriquent une science avec les choses que « tout le monde » sait. Nous autres, qui découvrons à certains jeux des propriétés que « tout le monde » n’y découvre point, nous sommes aussi des charlatans à notre manière. Voilà pourquoi, lorsque nous parlons football et paume, on nous répond toupie et cheval fondu.

Il y a pourtant un fait qui mérite quelque attention. En Angleterre et en Amérique, les jeux récréatifs ne manquent pas ; les petits garçons de là-bas en connaissent des quantités qui les amusent beaucoup et qui sont pour eux ce que sont pour les nôtres les Quatre coins, le Chat perché ou Colin-Maillard. Mon Dieu ! on jouerait aux quatre coins à tout âge, et je ne sais pas d’assemblée, si sérieuse qu’elle puisse être, qui, une fois mise en train, ne prendrait pas plaisir à Colin-Maillard. Cela, c’est de tous les temps et de tous les pays. Mais pensez-vous que les Australiens consentiraient à venir à Londres pour un concours de cette nature ? Poser la question, c’est la résoudre. À New-York, ce pays où 40 000 spectateurs se pressaient le 26 novembre dernier autour d’un match de football, pourriez-vous en réunir 300 autour d’une partie de barres ? Je vous en défie : et pourtant les barres nous ont tous charmés ; c’est un jeu fort intéressant, mais son intérêt ne dépasse pas l’étroit domaine des choses enfantines. S’y entraîner systématiquement, c’est du temps perdu. Pour s’y livrer, il ne faut ni beaucoup de courage, ni beaucoup de cette agilité interne des muscles qui les fait obéir avec une soudaineté merveilleuse aux commandements les plus imprévus ; pour y réussir, il n’est besoin ni de cette rapidité de coup d’œil, ni de cet esprit de décision, ni de cette force de volonté qui font du football, par exemple, une école de perfectionnement moral et d’apprentissage social.

Le parfait footballer doit à tout instant de la partie être prêt à ramasser ou à recevoir le ballon, à le passer, à courir,