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l’Olympisme rénové aux mains de mon successeur que lorsque j’ai jugé l’œuvre de rénovation tout à fait au point dans ses moindres détails, répondant aux nécessités actuelles et en accord pourtant avec les souvenirs et les enseignements du passé et que l’adhésion universelle en a garanti la pérennité.

Des hostilités du début, rencontrées si nombreuses et souvent si violentes, plus rien ou presque ne subsiste. L′Église catholique s’était d’abord montrée méfiante, sinon davantage. Un jour de 1905, je m’en fus au Vatican pour dissiper le malaise. On me disait que le pieux Pape Pie x, tout occupé du salut des âmes, ne m’entendrait pas. Mais l’ancien patriarche de Venise avait aimé et encouragé les prouesses de ses gondoliers et je ne doutais pas de sa bienveillance. Elle fut grande. Ayant béni le renouveau aux allures païennes, le Pape me dit que bientôt il me donnerait une preuve tangible de sa sympathie. Et l’année suivante, en effet, vit s’assembler an Vatican les gymnastes des Patronages catholiques de France, de Belgique, d’Italie et d’autres nations encore et, dans la cour de Saint Damase, sur l’estrade somptueuse érigée pour la circonstance, le souverain Pontife présider à leurs exercices.

Malgré tout, une querelle se prolonge, que l’antique Olympie a parfaitement connue et qui se produira partout et toujours. C′est celle de l’éducation physique contre le sport. Il est séduisant de s’imaginer que les hommes auront la raison de se procurer les bienfaits de l’une sans le concours de l’autre. En fait, la loi fondamentale demeure : « Pour que cent se livrent à la culture physique, il faut que cinquante fassent du sport. Pour que cinquante fassent du sport, il faut que vingt se spécialisent. Pour que vingt se spécialisent, il faut que cinq soient capables de prouesses étonnantes ». Impossible de sortir de là. Tout se tient et s’enchaîne. Contre cette règle qu’impose notre humaine nature, se sont élevés jadis comme aujourd’hui les médecins, au nom de l’hygiène, les chefs militaires, au nom de la formation enrégimentée, et aussi les techniciens qui partent du principe que la pondération est naturelle à l’homme.

Il y a eu des abus déplorables et il y en a encore ?… Eh sans doute. Quoi d’étonnant. Nul ne le nie. Le tout est de savoir si ces abus, on peut les éviter ou non et si le bienfait que procure l’exercice physique sportivement pratiqué, c’est-à-dire avec tendance à l’excès, peut être atteint et conservé sans abus ?

Cela revient à poser cette question : Une religion peut-elle vivre sans que, parmi ses adeptes, il y ait des excessifs et des passionnés pour entraîner par l′exemple et dominer la foule ? Poser la question, c’est y répondre.

Nous voici donc ramenés à l’idée centrale que j’ai émise à plusieurs reprises et que je voudrais laisser en vos esprits comme conclusion de cette brève causerie. De même que l’athlétisme antique, l’athlétisme moderne est une religion, un culte, un essor passionnel susceptible d’aller du « jeu à l’héroïsme ». Envisagez ce principe essentiel et vous serez amenés à considérer les sportifs dont vous critiquez et censurez aujourd’hui les excès comme une élite d’entraîneurs d’énergie beaucoup plus idéalistes (et par là nécessaires au bien public) que ceux qui prétendent s’en remettre à la simple éducation physique pour assurer l’avenir : foi sans élan celle-ci — foi sans élan qui, laissée à elle-même, serait demain sans fidèles et après demain sans autels.

Ainsi, Olympie vit toujours. Les sanctuaires hellènes sont tous éteints. On ne fera plus de cure à Épidaure, on ne se fera plus initier