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à New-York les amis transatlantiques susceptibles de m’aider dans ma tâche. Quatorze nationalités se trouvèrent représentées lorsqu’à Paris on passa au vote sur le principe de projet : vote sans grande conviction de la part de beaucoup, car les difficultés paraissaient insurmontables.

À la fin du XIXe siècle, siècle profondément évolutionniste mais rempli de réalisations illusoires, l’Europe continentale et surtout la France avaient un pressant besoin d’un rebronzage pédagogique. La jeunesse masculine ne manquait ni de santé, ni de courage, mais d’allant et de passion. Chez nous, elle vivait dans la grisaille — passez-moi l’expression. — Ce qui lui faisait défaut, c’était ce jardin pour la culture de la volonté que constitue le sport organisé. Elle ne le possédait ni au collège, ni au sortir du collège. Je sens bien qu’ici encore je touche à un sujet qui voudrait aussi une conférence à part et que, faute de pouvoir la faire, je laisse dans une sorte d’imprécision une quantité de sujets connexes au mien. N’êtes-vous pas en droit de m’en vouloir de toucher à tant de choses qu’à peine puis-je indiquer au passage comme si je présidais une tournée Cook ? Du moins, je m’applique à ne pas vous laisser perdre le fil de ma pensée centrale, heureux si vous voulez bien recueillir la donnée essentielle, à savoir qu’Olympie a représenté quelque chose qui lui a survécu, qui revit et revivra encore à travers l’histoire, tour à tour exalté et repoussé par notre nature qu’attire l’équilibre mais un équilibre que nous sommes capables de réaliser, incapables de maintenir.

Cette incapacité était plus forte aux temps contemporains qu’elle ne l’avait jamais été. Le cosmopolitisme montait de tous côtés ; la griserie de la vitesse commençait d’opérer et les gens déjà se répétaient ce « time is money », formule géniale et stupide qui nous écrase maintenant.

Vous savez comment je m’y suis pris pour faire pénétrer le sport dans le lycée français : en défonçant la porte ou, mieux, en la faisant défoncer de l’intérieur par les potaches. Mon fidèle copain Frantz-Reichel, qui était l’un d’eux, l’a conté maintes fois. « Avec quel enthousiasme, a-t-il écrit, votre appel fut-il entendu par ceux que tant de liens imposés par un système périmé exaspéraient. Comment pourrais-je exprimer la surprise et la joie folle que causa à toute la jeunesse des lycées de Paris cet appel, tant et si bien que nous pûmes, les uns encouragés, les autres tolérés, réaliser ce que vous souhaitiez : la création libre de ces associations sportives scolaires pour la fondation, la direction, l’administration, l’activité desquelles allaient s’exercer avec passion nos qualités d’initiative, libérées et éveillées par vous ».

Cela se passait voici quarante ans. L’année précédente, l’Académie de Médecine, étudiant la question du surmenage qui commençait d’éveiller l’attention, avait indiqué comme remède l’extension du temps des récréations et du congé hebdomadaire. Elle parut surprise de notre protestation. « Jamais de la vie, disions-nous. Les récréations et les congés sont abominablement employés ; il n’y a pas un atonie de sport. Commençons par en organiser l’emploi ; après on pourra accroître leur durée ». Jules Simon s’était déclaré en faveur de notre thèse ; celle-ci l’emporta.

Il y avait, direz-vous, les Sociétés de gymnastique. Certes, mais, bien inférieures en nombre et en compétence à ce qu’elles furent depuis, elles n’atteignaient en ce temps qu’une proportion très réduite et très localisée des classes populaires. Les établissements d’éducation leur fermaient leurs portes. La solution, c’était bien sur le continent comme