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comme certains le font vulgairement « les Olympiades d’Amsterdam », on profère un double barbarisme qui écorche les oreilles : cette observation déjà formulée est destinée à passer au dessus de vous pour atteindre les irréfléchis et les gens pressés qui ne se donnent pas le temps de réfléchir.

Donc Olympie vécut près de douze siècles mais d’une vie qui ne fut pas, bien entendu, sans inégalités ni agitations. Il faut admirer la continuité magnifique de la célébration des Jeux. Les plus graves événements n’arrivaient pas à l’interrompre. Même aux temps de la menace perse, les Hellènes s’assemblèrent aux bords de l’Alphée pour les festivités quadriennales. Mais des incidents graves ne furent pas sans surgir. La 8e Olympiade fut troublée par des contestations entre organisateurs. La 104e Olympiade, trois siècles plus tard, vit même porter atteinte à la trêve sacrée. L’éclat des Jeux dépendit, comme bien on pense, de l’habileté des dirigeants, des sommes dépensées et aussi de la qualité des athlètes, de leur nombre, de leur enthousiasme et de leur préparation. Il y eut des fêtes splendides, des succès éclatants, des spectacles inoubliables et, d’autres fois, des vulgarités, des désarrois, des cérémonies mal réglées, des cortèges désunis.

Il faut bien reconnaître que nous sommes volontiers simplistes aussi dans notre façon d’imaginer l’antiquité. Telles ruines sublimes nous décevraient si nous les pouvions contempler dans leur jeunesse intégrale et par contre, combien de monuments contemporains dont les couronnements et l’ornementation nous offusquent à juste titre et qui suggestionneront nos descendants venant à en exhumer les assises ou les débris. Sans vouloir obscurcir nos belles visions antiques, il est permis de penser que la poussière, le bruit discordant, des harmonies mal ajustées, l’usure des étoffes, le mauvais goût de certains assemblages tout cela ne date point d’aujourd’hui. Et d’y songer nous arme d’une certaine capacité d’indulgence à l’égard des artistes modernes, gens parfois assez injustement traités par la critique seconde après avoir été souvent exaltés par la critique première (qui n’est pas nécessairement désintéressée) au-delà des bornes du sens commun.

Jusqu’au bout, Olympie garda son caractère de lieu sacré, de centre religieux païen. Ce fut le christianisme qui, finalement, éteignit la flamme de ses autels. La suppression est à distinguer nettement de la destruction et l’édit sacrilège de Théodose ii n’a point de rapport avec, celui de Théodose Ier, trente ans avant. Dans l’intervalle, les hordes d’Alaric avaient passé. Tous les trésors avaient été pillés, les richesses dispersées mais les édifices subsistaient et, qui sait, peut être plus beaux qu’ils n’avaient jamais été, ainsi patinés par le temps, dans un demi-abandon, solitaires et silencieux. Théodose ii ordonna de les détruire. Cela ne se fit que partiellement et sans doute avec mauvais vouloir, mais l’abandon s’accentua. Les digues préservatrices cessèrent d’être entretenues. Les crues soudaines du Cladéos firent leur œuvre. Puis au vie siècle, à deux reprises, de terribles tremblements de terre survinrent. Les portiques et les colonnades s’abattirent. Le suaire de l’oubli recouvrit les ruines. — Et l’incompréhension régna.

Le mot que je viens de prononcer demanderait tout un commentaire, une conférence à lui seul. Olympie ne disparut pas seulement de la surface de la terre : elle disparut du sein des intelligences. L’ascétisme dominait. Par là je n’entends nullement que l’Europe se trouva soudain peuplée d’ascètes ; ce n’est pas ainsi qu’il le faut entendre. Mais une croyance s’infiltra, consciente ou