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« L’homme peut beaucoup pour posséder la joie de l’heure étale. La difficulté réside en ceci que pour y réussir, il lui faut à la fois prolonger la jeunesse de ses muscles et hâter la maturité de son cerveau afin d’amener le corps et l’esprit à une plénitude concordante. J’ai grand espoir que les travaux de l’Union pédagogique, une fois achevés et assimilés, apporteront pour ce qui concerne l’esprit, une aide propice. Pour ce qui concerne les muscles, tant que le gymnase antique n’aura pas été rétabli — antique dans son principe, bien entendu, mais modernisé dans sa forme — et tant que chaque cité ne se préoccupera point d’en créer un ou plusieurs au lieu de construire ces stades auxquels je jetais tout à l’heure l’anathème — comment voulez-vous que l’adulte individuel se maintienne en bonne condition sportive ? Où irait-il s’exercer quand il en trouve, au travers de ses besognes professionnelles, la fuyante occasion. »

« Vous vous étonnez que je fasse entrer dans le rayon d’action de la pédagogie sportive cet adulte individuel auquel certains trouveront, je le sais, que je témoigne une sollicitude exagérée mais que je ne cesserai jamais de tenir, à l’heure sociale actuelle, pour l’être le plus intéressant ; celui-là, pensent-ils, échappe pourtant à l’éducateur. Mais nullement. Si, pendant son éducation il a été bien orienté, il restera l’éducateur de lui-même. Lorsqu’il s’agit de l’adulte, il existe deux points de vue que j’ai signalés il y a longtemps, mais qui n’ont pas su jusqu’ici retenir l’attention des pédagogues de façons suffisante. »

Satisfactions passionnelles

« Il faut au corps une certaine dose de volupté ; et la volupté ce n’est pas le bien-être, c’est le plaisir physique intensif. Cette nécessité n’est pas de toutes les époques parce qu’elle n’est pas essentiellement animale. Dès lors, les temps de spiritualisme ou d’ascétisme dominants en peuvent éteindre momentanément l’aiguillon. Mais dès que l’humanité traverse une phase de « liberté corporelle », si l’on peut dire ainsi, la dose de plaisir physique intensif redevient indispensable au bon fonctionnement vital de l’individu. Or le sport produit de la volupté, c’est-à-dire du plaisir physique intensif. Nombre de sportsmen attesteront que ce plaisir atteint dans certaines circonstances le double caractère impérieux et troublant de la passion sensuelle. Tous, sans doute, ne l’éprouvent pas. Il y faut certaines qualités d’équilibre, ainsi que l’ardeur et l’absence de préoccupations étrangères ou de retenue qui sont à la base de toute exaltation des sens. Mais cette exaltation tel nageur, tel cavalier, tel escrimeur, tel gymnaste vous diront