connaissez les Anglais vous savez que pour le timide, le faible, l’indolent, la vie n’est pas tenable : dans cette bousculade de l’existence ceux-là sont refoulés, renversés, piétinés : on les écarte, ils ne sont qu’une entrave. Nulle part la sélection n’est plus impitoyable. — Il y a deux races distinctes : celle des hommes au regard franc, aux muscles forts, à la démarche assurée et celle des maladifs à la mine résignée et humble, à l’air vaincu. — Eh bien ! c’est dans les collèges comme dans le monde : les faibles sont écartés ; le bénéfice de cette éducation n’est applicable qu′aux forts.
On peut lui adresser un autre reproche : elle est très coûteuse. M. Taine estime la dépense moyenne d’un écolier à 5.000 francs : cela est exagéré. La dépense obligatoire à Harrow est de 3.500 francs ; il faut compter 500 francs de plus la première année. Rugby est moins cher (environ 15 livres de moins). Les écoles congréganistes n’atteignent pas ces chiffres : chez les Jésuites à Beaumont, en comptant très largement, on arrive à peine à 2.500. Cela commence à rapprocher de nos prix et franchement, l’écart vaut bien la différence entre les deux systèmes. — Et puis la comparaison ne peut être juste qu’autant que l’on mentionne la durée du stage dans les deux cas : or on passe dans les public schools 2, 3 ans, 4 au plus.
Et c’est déjà bien assez au gré des Anglais. Il ne faut pas perdre de vue en effet que l’école est chez eux un pis-aller. S’ils pouvaient s’en passer, ils le feraient sans hésitations, et ils ne la tolèrent qu’avec de longues vacances qui permettent aux enfants de venir à Noël, à Pâques et en été se retremper dans la vie de famille. Ils ont, vous le savez, le culte du home : ce foyer dont ils se séparent si aisément en apparence parce qu’ils savent que c’est la loi de ce monde, ils estiment que c’est la meilleure école à fréquenter. Les enfants le quittent le plus tard possible et y reviennent périodiquement ; où peuvent-ils être mieux, tant que leur éducation n’est pas terminée ?
Voilà certes un grand nombre de principes qui sont en désaccord avec les nôtres ; ouvrez n’importe lequel de nos traités d’éducation et vous y verrez que plus les enfants grandissent, plus ils doivent travailler ; qu’au collège, le seul moyen de préserver leur innocence, c’est de ne jamais les perdre de vue un seul instant et de mettre en pratique la fameuse maxime : nunquam duo — raro unus — semper tres ; que le règlement doit ressembler à un indicateur de chemins de fer, que tout y doit être prévu sans laisser place à la moindre indécision, que les lettres doivent toujours être décachetées et le plus souvent lues avant d’être remises aux élèves qui, de leur côté, ne peuvent faire librement leur correspondance ; cherchez un seul de nos collèges où les censeurs, les proviseurs, les préfets des études, etc., ne soient pas multipliés, où il ne faille pas des billets à tout