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l’éducation anglaise.

phère qui n’est pas assez pure, des soins hygiéniques qui sont trop négligés : ce sont là des lacunes regrettables, mais ce n’est pas tout il y a pire que cela : il y a le danger constant que présente la vie en commun. Or, Messieurs, il vous semble peut-être que ce danger n′est guère conjuré par le système anglais que je vous expose ; il est bien vrai, direz-vous, que l′air pur de la campagne, une sage modération dans la répartition du travail, l’observance exacte des lois de l’hygiène placent les enfants dans d’excellentes conditions matérielles, physiques ; mais, d’autre part, le manque de surveillance et l’abus de l′indépendance doivent accroître les inconvénients de la fréquentation. S’il n′en est rien, si ces inconvénients au contraire sont plus rares et leur portée amoindrie, c’est par un motif général et puissant qu’il importe de connaître. Il y a là un fait à constater. La pratique déjà longue du système actuel d’éducation n’a donné que de bons résultats : ce sont les public schools qui ont peuplé les universités d’Oxford et de Cambridge de ces jeunes gens à la vertu desquels M. Taine rend hommage, voilà une preuve ; mais la principale réside dans le témoignage des hommes que leur position dans le collège et une longue expérience mettent à même d’apprécier mieux que qui que ce soit la moralité des élèves. Eh bien ! tous ceux que j’ai interrogés à ce sujet ont été unanimes dans leurs réponses ; ils n’ont qu’à se louer de l’état des mœurs et ils déclarent bien haut que le sport en est la cause, que son rôle consiste à pacifier les sens et à endormir les imaginations, à arrêter la corruption là où elle naît en l’isolant, en l’empêchant de s’étaler, enfin à armer la nature pour la lutte.

Les esprits comme les corps sont perpétuellement occupés par cette passion qui les entraine et les subjugue ; et cela est, je le répète, encouragé le plus possible. Les Anglais croient à la nécessité d’un enthousiasme à cet âge ; mais ils pensent aussi qu’il n′est pas aisé, si même cela est bon, d’amener les enfants à se prendre d’enthousiasme pour Alexandre ou César ; il leur faut quelque chose de plus vivant, de plus réel. La poussière olympique est encore ce qui excite le mieux et le plus naturellement leur émulation ; ils poursuivent volontiers des distinctions auxquelles ils voient des hommes faits se montrer fiers de prétendre. — Cela nuit-il au travail non pas seulement par le temps qu’il faut y consacrer, mais par la préoccupation, la pensée constante qui résultent du caractère de tournoi donné aux jeux ? On a dit que la vie du penseur et celle de l’athlète étaient tout l’opposé l’une de l’autre. Pour ma part, j’ai souvent remarqué que ceux qui se trouvaient les premiers dans les exercices physiques, l’étaient aussi dans leurs études ; la prépondérance sur un point donné le désir d’être le premier partout ; il n’y a rien de tel pour vaincre que l’habitude de la victoire. Et puis enfin, si cela est, tant