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société d’économie sociale (séance du 18 avril 1887).

Les Debating societies ne sont pas l’une des moindres particularités de ce système : ce sont, vous le savez, des assemblées où les usages parlementaires sont scrupuleusement suivis et où l’on s’exerce à la parole ; il y en a sur toute l’étendue du Royaume-Uni, dans les plus petites villes ; il y en a dans les colonies et M de Hubner cite un collège hindou où il trouve les étudiants occupés à discuter, sous la direction de leurs maîtres anglais… savez-vous quoi ? Je vous le donne en mille !… S′il ne serait pas préférable pour l’Inde de secouer le joug de l’Angleterre ! — Il faut entendre les discussions pour se faire une idée de la liberté d’opinions qui y est tolérée. Arnold créa lui-même à Rugby un magasin, une Revue dont les articles étaient faits par des élèves du collège et quelquefois par des étudiants de première année venant d’en sortir ; cet exemple a été partout suivi ; pas un collège qui n’ait son fascicule hebdomadaire ou bi-mensuel. Voyez-vous nos rhétoriciens admis à imprimer leurs élucubration dans un journal ? — Eh bien ! là bas cela paraît tout simple ; et ça l’est en effet. Car la censure n’est pas souvent forcée d’intervenir. Une telle liberté d’opinion choquerait en France parce qu’elle produirait des divergences dans les familles ; là bas ces divergences ne troublent en rien la paix du foyer ; le père le plus conservateur ne s’indignera pas d’entendre son fils faire en sortant des bancs scolaires une profession de foi radicale. « Mon garçon est home-ruler, me disait un Irlandais : il adore Gladstone ; moi, je le hais. »

À côté des opinions politiques viennent se placer les croyances religieuses qui bénéficient également de cette grande tolérance ; mais ce fait est dû surtout, il faut bien le dire, à la nature du culte protestant, culte très élastique qui s’accommode des attitudes les plus diverses. Tout enfant n’est pas nécessairement amené à la première communion ou à l’acte qui y correspond ; il y a donc là pour le ministre une conquête à faire, ce qu’Arnold appelait : « Une partie d’échecs contre Satan. » L’enseignement religieux est donné chaque dimanche devant les élèves, desquels on exige au moins l’attention et la tenue respectueuse : généralement les dissidents ne manifestent pas le désir de voir leurs enfants s’abstenir d’y paraître ; mais quand ils le font, leur volonté est fidèlement respectée. — Quant aux catholiques ils ne fréquentent pas ces collèges, non pas parce qu’ils y trouveraient une entrave à l’exercice de leur culte (seulement dans les petites villes il n’y a souvent pas de chapelle catholique) ; mais c’est surtout parce qu’ils redoutent l’influence de l’esprit protestant qui y règne forcément.