Page:Coubertin L Education Anglaise 1887.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
l’éducation anglaise.

pulaire et nos garçons se montrent fier d’être gouvernés par les aînés d’entre eux plutôt que par nous. Il en était ainsi même alors qu’ils avaient à remplir certains services domestiques pour lesquels ils recueillaient un grand nombre de taloches au passage.

J’ai touché là un point important : la puissance de l’opinion publique. C’est une force dont les maîtres se servent et qu’ils ne cherchent nullement à restreindre, mais seulement à diriger afin qu’elle facilite leur tâche. Ces collèges anglais sont de vraies sociétés avec leurs lois, leurs préjugés, leurs traits caractéristiques : vous dirai-je même que l’honneur y a son code auquel on se garderait de désobéir : le combat avec les poings est la manière usuelle dont les petits Anglais vident leurs querelles, j’entends les querelles sérieuses, celles qui réclament impérieusement un œil poché ou un nez en marmelade pour que l’honneur soit satisfait. Les combattants ont en plus la joie d’être punis, ces duels étant interdits : mais au moins ils se sont boxés sous les yeux de leurs camarades et par les soins de leurs témoins, sans manquer à aucun des usages solennels consacrés par le temps en pareille circonstance.

Je n’ai parlé jusqu’ici que du point de vue physique, matériel ; il y a aussi le point de vue intellectuel et le point de vue religieux ; à côté de la liberté d’aller et venir il y a la liberté de penser et la liberté de prier ; je ne voudrais pas traiter en détail un sujet que j’ai volontairement écarté et je me bornerai à quelques mots sur les principal particularités de l’instruction, de la méthode d’enseignement. Ce n’est pas, comme en France, une échelle dont l’élève franchit un échelon chaque année ; il faut un certain nombre de points pour passer d’une classe à l’autre et les examens qui ont lieu deux ou trois fois par an déterminent et règlent ce passage de sorte qu’un garçon intelligent et travailleur peut avancer plus rapidement que les autres. C’est l’inverse de cette concordance qui fait chez nous qu’on ne peut être en avance sur un point, en retard sur un autre ; il n’existe pas, pour prendre un exemple, un programme d’histoire spécial pour la cinquième différent de celui de la sixième : l’histoire forme un tout et des enfants de différents âge se trouvent suivre le même cours.

Presque partout maintenant les études sont divisées de façon à donner la prépondérance soit au classique, soit au scientifique ; les classes sont plutôt des conférences ; les devoirs sont donnés pour un laps de temps qui permet de les travailler davantage et de leur donner un cachet personnel ; enfin les professeurs aiment à faire rendre compte à leurs élèves de livres que ceux-ci sont obligés de lire et sur lesquels ils ont à se former une opinion ; on traite les intelligences comme les caractères, comme les corps avec respect et sérieux.