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je tenais sous le bras, superbement reliées, les archives du secrétariat contenant nos procès-verbaux.

Comment ne pas évoquer alors la figure de celui qui fut notre inoubliable professeur d’Humanités et de Rhétorique, notre cher Père Caron. Lorsqu’il y a dix ans, sur le sol illustre d’Olympie, le ministre hellène de l’Instruction publique découvrit devant moi le monument commémoratif du rétablissement des Jeux olympiques, sachez-le bien, c’est lui dont mon cœur fidèle évoque d’abord le visage. Il ne m’avait pas appris le sport mais il m’avait imbibé d’hellénisme, pénétré de cet esprit classique dont je déplore — moi qui ne crains pas trop les nouveautés — de voir les actuelles générations imprudemment sevrées au profit de la mécanique dont le culte les charme de façon exagérée.

Aussi lorsque je songe à vos fils, chers camarades, et que j’évoque que le cortège des petites têtes brunes et blondes qui auront pour mission de continuer dans ce collège nos traditions les meilleures, je forme le vœu que les Humanités, selon l’expression chère aux ancêtres de la culture française, récoltent de nouveau les abondantes moissons d’autrefois.

Que cela doive se faire sur un plan et avec des instruments quelque peu transformés, il n’y a ni à s’en étonner ni à trop s’en inquiéter. Certains parmi vous n’ignorent pas peut-être qu’à côté du néo-olympisme, dont on m’a souvent reproché la carrière trop rutilante et trop bruyante, j’ai conduit dans le même temps un travail de taupe pour préparer dans le sous-sol une réforme de l’enseignement secondaire qui serait à la fois radicale et prudente : besogne maintenant presque achevée dont j’aurai la satisfaction de laisser le canevas à la disposition de ceux qui viendront derrière moi, besogne dont j’espère des bienfaits réels pour l’avenir prochain et la consolidation de la civilisation occidentale. Le problème que je m’étais posé et vers la solution duquel de grands savants ont bien voulu aider ma marche souvent inquiète, consistait principalement en cette espèce de quadrature du cercle qui s’impose à nous désormais : associer le spécialisme devenu en tous pays la base obligatoire de l’instruction publique avec les connaissances universalistes que rendent nécessaires les contacts multipliés entre les peuples, l’accélération des vitesses, l’imprévu des interpénétrations et le danger croissant d’y laisser présider une ignorance internationale nourrie de préjugés historiques, de points de vues faussés, de passions irréfléchies.

Et maintenant, chers camarades, avant de nous séparer, retournons ensemble pour un moment au stade qui est après tout la raison d’être de mon intervention dans la présente manifestation car ce