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à la fois récompense pour hier et encouragement pour demain : « je tiens les sportifs pour les premiers artisans de notre victoire ». Comment de nationale, l’œuvre était promptement devenue internationale, vous le savez.

À ces souvenirs que j’égrène volontiers parmi vous, j’ajoute celui d’un geste qui prend ici toute sa valeur. Il s’agit de l’accueil reçu au Vatican un matin du printemps de 1905, alors j’avais été solliciter du Souverain Pontife Pie x sa haute approbation pour l’olympisme rénové. On m’avait prédit l’échec ; mais le Pape qui, primat de Venise, n’avait pas craint d’encourager les régates de ses gondoliers et de les voir se disputer les médailles qu’il leur distribuait en prix ne se contenta pas d’approuver. Il daigna m’annoncer un gage proche et certain de sa sympathie. Et ce fut dans la cour de St-Damase ce spectacle inattendu : assis sous un haut baldaquin fête gymnique où figuraient les équipes des Patronages de France, de Belgique et d’ailleurs venus à Rome en pèlerinage.

L’olympisme ne cessa de grandir et de s’étendre. La guerre ne l’ébranla pas. En 1924 à la Sorbonne on célébrait la trentième anniversaire de son rétablissement et dix ans plus tard, sur l’Acropole d’Athènes au pied du Parthénon, son quarantenaire. En 1932 les jeux de la xe olympiade se tenaient sur les rive californiennes dans l’éblouissement qu’ajoute aux spectacles humains une nature radieuse ; et voici, après les splendeurs de Berlin, que l’olympisme bientôt s’embarque pour Tokio. Grande date ! Conquête olympique de l’Asie d’une part ; contact de l’hellénisme avec la civilisation japonaise de l’autre.

On m’avait prévenu, chers camarades, de vous parler sport ce matin. Cela ne pouvait me déplaire comme bien vous pensez. J’ai obtempéré. J’ai commencé par là ; mais tout de même, il y a autre chose pour moi dans cette enceinte demeurée la même alors que tout changeait autour de nous et dans laquelle se sont accumulés tant de ces petits souvenirs que prend plaisir à collectionner la mémoire de l’homme parvenu au bout de sa vie.

Je revois avec une netteté singulière certaine fable de La Fontaine récitée et mimée à trois personnages au cours d’une séance de classe. Je sortais au moment voulu de dessous quelque meuble figurant la tanière de l’animal dont je jouais le rôle. Cela devait se passer en quatrième, l’an 1876, sous la direction du Père Froger. Par la suite se tirent d’autres séances, plus sérieuses : des fragments de tragédies, en costumes, avec vin chaud dans la coulisse puis des séances d’Académie que Jean de Courcy présidait avec une magnifique cravate de commandeur sur la poitrine tandis que