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comme il est venu ; la satiété le tuera. Ce jour-là que restera-t-il ? Le besoin du sport existe-t-il chez l’individu ? Non. Le bruit que l’on fait autour de certains champions reste impuissant à le créer. Il ne s’affirmera que lorsque le champion lui même cessera d’avoir souci qu’on le regarde ou non. Le vrai sportif est celui pour qui le spectateur n’existe qu’à l’état de contingence. À ce compte là, combien y a-t-il de sportifs en Europe ?… Très peu.

Voilà donc une direction dans laquelle il faudrait travailler. Moins de battage, moins de réclame, moins d’organisations restrictives, de syndicats intolérants, de hiérarchies pesantes. Mais les diverses formes de sport — de tous les sports, équitation comprise — placées aussi gratuitement que possible à la disposition de tous les citoyens, ce sera là un des devoirs du municipalisme moderne. Et c’est pourquoi j’ai réclamé le rétablissement du Gymnase municipal de l’antiquité, rendu accessible à tous sans distinction d’opinions, de croyances ou de rang social et placé sous l’autorité directe et unique de la cité. De la sorte, et de la sorte seulement on développera une génération sainement et complètement sportive.

Une autre utopie est celle-ci : s’imaginer que le sport peut être au nom de la science, uni d’office à la modération et obligé de vivre avec elle. Ce serait là un monstrueux mariage. Le sport ne peut être rendu craintif et prudent sans que sa vitalité s’en trouve compromise. Il lui faut la liberté de l’excès. C’est là son essence, c’est sa raison d’être, c’est le secret de sa valeur morale. Qu’on enseigne à oser avec réflexion est parfait mais qu’on enseigne à craindre d’oser est folie. Car l’audace pour l’audace sans nécessité réelle, voilà par où notre corps survole son propre animalisme.

Ce n’est pas à dire que le contrôle scientifique doive être écarté mais il lui faut se manifester en conseiller non en despote. Aussi bien est-il lui même susceptible de réforme car il délaisse toute une portion de son domaine en s’obstinant à n’être que physiologique et en oubliant d’être psychologique. On mesure un homme, on relève ses différents indices… et je signalerai en passant qu’il manque un élément de haute importance : sa figure mécanique ; la radiographie pourrait être appelée à la fournir : ce serait un avantage sérieux pour le perfectionnement technique ; mais c’est encore là un élé-