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ont toujours voulu s’en tenir à la bataille directe et chercher à tuer le cabaret aux seuls noms de la vertu ou de la science. Elles doivent savoir cependant — car la preuve en est faite — que l’alcoolisme n’a pas de plus puissant antidote que l’athlétisme et qu’il existe une sorte d’incompatibilité physique entre l’alcool et l’entraînement ; par ailleurs, le « dételage » que le travailleur manuel va chercher au cabaret n’est-il pas une nécessité sociale ? N’est-ce pas ce même « dételage » que l’homme d’affaires va chercher à son club et de quel droit dès lors le second prétendrait-il exiger du premier ce dont il ne s’abstient pas lui-même ?

Les heures qui sonnent sont graves pour l’humanité. D’une part des appétits ploutocratiques insatiables et la soif de domination poussée jusqu’à la folie, de l’autre la révolte contre des injustices trop longtemps supportées contribuent à tenir la civilisation sous la menace d’un lendemain de guerre qui pourrait être pire que la guerre même. Il ne saurait appartenir désormais à une caste quelconque de régir le monde, de diriger sa marche ou de l’enrayer — à peine de la retarder un moment. La Cité future ne se construira solide et durable que par la collaboration de tous les citoyens. Préparons les forces motrices de cette collaboration là où il est raisonnable de les capter et de les grouper. Ne versons point dans l’utopie du communisme intégral. L’égalité doit faire halte au seuil du foyer domestique, car jamais les hommes ne lui consentiront l’accès de leur demeure et ne lui permettront d’intervenir dans le fonctionnement de leurs groupements familiaux.