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gogie sportive. Le sport dépose dans l’organisme le germe de qualités physio-psychologiques telles que le sang-froid, l’assurance, la décision, etc… Ces qualités peuvent rester localisées autour de l’exercice qui les a fait naître ; cela est fréquent ; cela est même le plus fréquent. Combien de cyclistes presque téméraires qui, descendus de leurs machines, redeviennent hésitants à tous les carrefours de l’existence, combien de nageurs courageux dans l’eau et que découragent les flots de l’océan humain, combien d’escrimeurs même qui ne savent point appliquer aux combats de la vie le coup d’œil et l’à-propos dont ils font preuve sur la planche !… La tâche de l’éducateur consiste à faire fructifier le germe à travers tout l’organisme, à le transposer d’une circonstance déterminée à tout un ensemble de circonstances, d’une catégorie spéciale d’activité à tous les actes de l’individu. C’est ce que faisait Thomas Arnold et ce que les pédagogues britanniques apprirent de lui.

Mais revenons à notre point de vue social. L’inégalité sportive est donc basée sur la justice puisque l’individu ne doit qu’à ses qualités naturelles coefficientées par son effort volontaire, le succès qu’il obtient ; elle est d’autre part fort instable puisque ce succès d’espèce éphémère demande une continuation de l’effort pour pouvoir se prolonger quelque peu. Ce sont là des données intéressantes pour la Démocratie. Rien d’étonnant si, dans les milieux sportifs, nous voyons donc le dosage de l’autorité et de la liberté et surtout celui de l’entr’aide et de la concurrence s’opérer aisément. Or la Démocratie a grand besoin de réaliser de pareils dosages, mais elle y éprouve naturellement mille difficultés. L’au-