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De Rabelais à Rousseau l’exercice physique trouva des apologistes. Avec Basedow et Pestalozzi il y eut même des tentatives méritoires pour passer de la théorie à la pratique. Puis le grand patriote allemand Ludwig Jahn et le suédois Ling s’employèrent à répandre dans leurs pays respectifs leurs méthodes gymniques. Mais le premier ne songeait qu’à faire éclore une force militaire capable de réaliser l’unité de l’Allemagne et le second visait à distribuer la santé par le moyen d’une activité physique scientifiquement réglementée.

Il était réservé à ce grand anglais, Thomas Arnold de reprendre l’œuvre grecque au point où les destins contraires l’avaient interrompue et de la munir d’une formule pédagogique appropriée aux conditions modernes. Comment le sport organisé peut créer de la force morale et de la force sociale, comment il peut jouer par là un rôle direct dans les destinées de la nation, le monde l’avait oublié ; à tel point oublié que c’est presque inconsciemment que l’Angleterre d’abord, puis l’empire britannique tout entier se sont pénétré des doctrines et de l’exemple d’Arnold et que ces doctrines ont gagné de proche en proche ; en sorte que le collège de Rugby doit être véritablement considéré comme le point de départ de la rénovation britannique. Les États-Unis restèrent d’abord indifférents à ce mouvement. La parole de Noah Webster déclarant qu’« une salle d’armes n’est pas moins nécessaire dans un collège qu’une chaire de mathématiques » était demeurée sans écho et la jeunesse américaine, à la veille de la guerre de Sécession, versait dans l’excès d’un intellectualisme sans contrepoids. La terrible secousse l’en tira brutalement. Des gymnases s’édifièrent,