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Les assises de la Cité prochaine

Conférence donnée à Berne le 19 avril 1932



Messieurs les Conseillers fédéraux,

Monsieur l’Ambassadeur de France,

Monsieur le Ministre de Grèce,

Mesdames, Messieurs,

Très touché des paroles qui ont été dites cette après-midi et ce soir, je vous en remercie de tout cœur. Vous avez voulu, les uns et les autres, rendre hommage à mes initiatives passées. Permettez que je partage cet hommage avec ceux qui m’ont aidé et soutenu, avec les chers amis disparus, notamment — eux dont le souvenir continue de vivre en moi fidèlement.

Et maintenant, si vous voulez bien, Messieurs, je vous parlerai de l’avenir — de l’avenir qui fut toujours et demeure plus que jamais l’animateur principal de mon travail.

Mathématiquement le présent n’existe pas. Les mots que je viens de prononcer sont déjà du passé ; la forme que je vais donner à ma pensée est encore de l’avenir. Mais du point de vue de la personnalité humaine, ce présent inexistant prend au contraire une valeur tyrannique. Nous lui donnons un nom derrière lequel se massent tous nos égoïsmes individuels ou collectifs. Nous l’appelons aujourd’hui.

Or, Messieurs, il y a des « aujourd’huis » procurant à ceux qui les vivent une impression d’ensemble confiante et sereine ; ils ne s’en aperçoivent pas toujours ; mais fut-ce inconsciemment, ils en goûtent le charme continu et la stabilité relative. D’autres générations connaissent des « aujourd’huis » moins calmes où s’évoquent des évolutions possibles qui apporteraient de troublant aléas. Il en est enfin dont l’horizon s’est brusquement assombri sous la menace de la tempête. On s’alarme alors en songeant aux organisations futures et aux fondements ébranlés qui en porteront l’architecture incertaine.

Nous sommes, à l’un de ces tournants du destin, l’un des plus décisifs peut-être de toute l’histoire. N’écoutons point les prophètes prompts à prédire des secousses apocalyptiques. Repoussons d’autre part la tisane d’illusion que veulent nous verser les utopistes. Mettons simplement en pratique cette devise du présent siècle, donné à mes jeunes collaborateurs ; regarder loin, parler franc, agir ferme.

Tel est l’esprit dans lequel je me propose d’aborder le sujet dont j’ai choisi de m’entretenir avec vous ce soir : les assises de la cité prochaine.


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Et pourquoi la Cité ? Le terme est antique. Il ne fut pas toujours précis.Civitas ce n’était point la ville, urbs ; ce n’était pas non plus res publica, l’État. Cela tenait de l’un à l’autre. Plutôt cela allait de l’un à l’autre, la notion s’élargissant ou se rétrécissant selon les époques. Cette imprécision subsiste. Un dilemme se tient devant nous. Il y a au fond du creuset où s’élaborent les destins politiques une sorte de conflit entre les doctrines de l’impérialisme d’État et celles de l’autonomisme municipal. C’est en vain qu’à cet égard les