Page:Coubertin Assises Cité Prochaine 1932.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
LES ASSISES DE LA CITÉ PROCHAINE


un tohu-bohu d’idées seulement esquissées et de sensations artistiques inattendues. Dès alors pourtant — je pourrais vous citer un document qui, il y a exactement 42 ans convoquait à la Sorbonne pour une pléiade d’hommes à l’esprit ouvert pour en conférer — dès alors, certains se préoccupaient de la cellule de paix sociale et internationale que constituerait l’université populaire bien comprise et méthodiquement organisée. Des circonstances adverses, des agitations multiples, détournèrent l’attention. On ajourna. Puis s’élevèrent les brouillards de la guerre approchante et ensuite la fumée des incendies et ensuite encore le voile de la grande illusion.

Aujourd’hui sonne un nouveau tocsin. Le temps n’est plus aux tergiversations. Et puisque ce soir, je me trouve dans l’impossibilité de même résumer la mise au point des universités populaires telle que l’a opérée l’Union pédagogique universelle, je veux du moins vous dire de mon mieux quelle en est la base philosophique.

Durant que se préparaient des conflits inféconds, un grand événement s’est produit qui ne fut guère remarqué des assistants. N’est-ce pas toujours ainsi ? On s’attache à ce qui frappe par des contours accusés et on laisse passer le fait dont il faudrait réfléchir pour comprendre l’importance L’événement dont je parle est celui-ci. En histoire et en géographie le cercle jusqu’alors discontinu s’est soudé. L’homme s’est trouvé possesseur des secrets ultimes de la configuration de sa planète, ainsi que de la courbe des siècles historiques accumulés derrière lui. En même temps, le monde sidéral ouvrait devant lui des perspectives soupçonnées mais non encore aperçues et l’électricité déjà attelée à son service lui livrait toute une portion de ses merveilles dont l’utilisation allait lui fournir des possibilités imprévues. Vous entendez bien n’est-ce pas, que je ne reprends pas pour la commenter ici la parole malheureuse échappée naguère des lèvres d’un grand savant : il n’y a plus de mystère — parole du reste dont on a méconnu le véritable sens. Des mystères, certes, il y en a et plus que jamais pourrait-on dire puisqu’ils croissent au fur et à mesure que les connaissances s’étendent. Mais, comment dire ? ce sont des mystères de détail. Il reste certes infiniment de choses à scruter pour l’humanité ; elle n’en a pas moins franchi une étape comparable à celle qui tout à coup au sortir d’une longue montée ouvre devant nous un panorama aux vastes horizons. Je sais que beaucoup de ceux qui m’écoutent ne saisissent pas bien ce que j’exprime-là. Tant mieux pour eux ; c’est le privilège de leur trop grande jeunesse tandis que c’est celui de mes 70 ans — et je fais appel à la mémoire de ceux qui ont à peu près mon âge — d’avoir connu un temps où le dit panorama n’était pas visible sinon par des échappées brèves que coupaient de longues et hautes parois d’obscurité. Mettez par la pensée une date sur toutes les explorations, les exhumations archéologiques, les expériences scientifiques qui ont enrichi notre patrimoine de connaissances depuis seulement trente-cinq ans. Mettez la surtout sur les années où les résultats de tout cela ont commencé d’être absorbables par la collectivité (il y a toujours un moment pendant lequel la notion nouvelle hésite à prendre forme) vous comprendrez ce que je veux dire lorsque je parle d’étape décisive.

Eh bien Messieurs, en face de ces révélations la pédagogie n’a pas bougé. Elle est demeurée telle quelle. Elle n’a changé ni ses méthodes ni même ses aspirations ; elle s’est contentée d’allonger ses programmes et en les chargeant, d’en alourdir dangereusement le poids. Là où il fallait devenir presbyte, elle est restée myope.

C’est pourquoi dès 1906, aidé par un ami, l’illustre savant Gabriel Lippmann, j’ai entrepris la préparation de programmes nouveaux répondant à un état de choses nouveau. Nous avons longuement tatonné. Hélas ! il a été enlevé avant que je n’aie pu avec son appui précieux, toucher le terme. L’Union pédagogique a enfin abouti. Permettez que je me réfère au message par radio transmis lors de sa fondation le 15 novembre 1925.

Il y était dit ceci : « Conçus en un temps où les connaissances scientifiques étaient limitées et les rapports internationaux restreints, nos systèmes d’instruction n’ont plus la capacité suffisante pour contenir ce qu’il faudrait aujourd’hui savoir. L’apprendre par les vieilles méthodes est impossible.