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LES ASSISES DE LA CITÉ PROCHAINE


de pourvoir le plus gratuitement possible le citoyen adulte des moyens de se mettre puis de se maintenir en bonne condition sportive sans qu’il se trouve obligé pour cela d’adhérer à un groupement quelconque. Et voici le second : L’adulte qui n’a pu, faute de loisirs ou de moyens, participer à la vie supérieure de l’esprit, est autorisé à attendre de la Cité qu’elle lui assure un contact avec la culture générale et désintéressée lui permettant non d’en parcourir le domaine mais d’en prendre une vue d’ensemble en dehors de toutes préoccupations utilitaires et professionnelles.

Il n’y a pas dans ces deux formules un seul terme qui puisse être retiré, transposé ou modifié sans que le sens et la portée de la formule elle-même ne s’en trouvent atteints. Cette portée, la saisissez-vous bien ? Un de ceux qui avaient voté ces textes revint me trouver peu après et me manifesta quelques scrupules. Mais, lui disais-je, les textes étaient clairs, précis. Ils ont été discutés… Oui, répondit-il, mais je ne me suis pas aperçu tout de suite de leur caractère révolutionnaire.

Il y a révolutions et révolutions selon qu’il s’agit de satisfaire des besoins ou des appétits ; la démarcation est plus facile à tracer qu’on ne le croit souvent. Ici, nul appétit ne se révèle ; mais des besoins lentement développés et profondément enracinés. Si la Cité doit être appelée à tenir dans la Société prochaine la place prépondérante que je prévois pour elle, il faut que la vie musculaire de l’adulte individuel y soit puissamment organisée et que l’instruction de ce même adulte reçoive une impulsion vigoureuse depuis l’heure où il s’est cru instruit, jusqu’au dernier sommet de son activité possible.

L’adulte ?… qui donc pense à lui ? Il est la cellule centrale, il est le maître de l’heure. Tout dépend de lui. Or, on ne songe qu’à l’enfant, on se penche sur l’enfant. On ausculte ses instincts pas même révélés. On aperçoit en lui toutes sortes de devenirs purement fictifs. On va répétant : l’enfant est le père de l’homme. C’est faux. Le père de l’homme c’est l’adolescent, c’est le jeune homme. L’enfant en est tout au plus un grand-père incertain. Les exemples historiques abondent de générations qui ont pris le contre-pied de ce qu’on leur avait insufflé aux années enfantines ; le même phénomène est très rare par rapport à l’adolescence. J’entends ici certaines clameurs de professionnels pour lesquels, en parlant ainsi, je ne suis qu’un amateur audacieux, mais croyez-moi, Messieurs, l’expérience fournie par les milieux sportifs pendant quarante années représente quelque chose d’inégalable, parce que là s’observe le mieux ce passage de l’éphébie à la virilité qui peut être rendu si lumineux, si franc que toute la vie subséquente en demeurera comme éclairée par en-dessous.

Continuez donc, si cela vous plait, de microscoper l’enfance, de l’interroger sur les sujets les plus étrangers à son cérébralisme, de la soumettre à des enquêtes singulières. Je le déplore parce que c’est du temps et de l’argent perdus et qu’aussi bien tout cela lui donne de son importance une idée regrettable. Mais, pour Dieu, n’oubliez pas l’adulte. Aux heures troubles qui approchent, le munir d’un solide équilibre physique et mental importe plus que tout le reste ; ce sera là le plus efficace et peut-être le seul rempart de défense pour la civilisation issue de nos efforts et de ceux de nos prédécesseurs.

Équilibre physique… Messieurs on a fait ces temps de larges griefs au sport à propos des germes de corruption qu’il recèlait. C’est vite dit. Les sportifs eux-mêmes sont beaucoup moins coupables que les parents, les maîtres, les pouvoirs publics, les fédérations et la presse. Mais il y a des abus, c’est entendu. Et comment n’y en aurait-il point ?

Le nom illustre et aimé de M. le Conseiller fédéral Motta demeure attaché à un document qui fut communiqué l’an passé à Genève au cours d’une séance dont il avait bien voulu accepter la présidence. Ce document, la Charte de la Réforme sportive, a eu un large succès de circulation puisqu’il est traduit en maintes langues et qu’affiché au seuil de l’Hyspa, il y a récolté d’abondants suffrages. On s’exerce timidement à en faire des applications partielles. Que si vous relisez les dix-neuf paragraphes qui le composent, vous consta-