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à travers l’histoire sud-américaine

quième ; la moitié au moins de cette dernière somme restait en Amérique pour couvrir les frais de l’administration royale. L’Espagne recevait en fin de compte de ce chef à peu près 18 millions de livres ; les impôts lui en rapportaient 10 à 12, soit un total de 30 millions. Les véritables richesses, c’est en Amérique qu’elles s’accumulaient et entre les mains de privilégiés peu nombreux, lesquels n’avaient aucun intérêt à voir augmenter la production autour d’eux si d’autres qu’eux-mêmes en devaient bénéficier. Les convois réguliers qui une fois l’an faisaient le service entre Cadix[1] et l’Amérique n’y transportaient pas plus de 27 000 tonnes de marchandises. Un protectionnisme outrancier, qui interdisait toute initiative industrielle et alla jusqu’à proscrire la culture de la vigne et de l’olivier pour éviter la concurrence aux vins et aux huiles d’Espagne, empêchait ainsi l’enrichissement des classes moyennes sans atteindre les possesseurs de vastes domaines. Pour la même raison, ces derniers maintenaient jalousement les institutions abusives qui leur fournissaient à bon compte la main-d’œuvre indigène. En vain des fonctionnaires éclairés et humains étaient-ils intervenus dès le début ; la couronne s’était toujours laissé forcer la main. L’un d’eux, Las Casas, n’avait-il pas à deux reprises, en 1523 et 1542, obtenu du roi l’annulation du repartimiento qui créait une véritable servitude indigène et dont deux fois les pétitions pressantes venues du nouveau monde avaient provoqué le rétablissement ?

Telle était encore aux approches du dix-neuvième siècle l’Amérique espagnole. Le sort de l’Amérique portugaise avait été un peu différent. Les « capitaineries » instituées dès 1504 au Brésil ne constituaient point des délégations régulières du pouvoir métropolitain. C’étaient plutôt des

  1. Cadix succéda en 1720 à Séville comme centre des affaires transatlantiques.