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Cercle de l’Aviron, persuadés qu’ils allaient rénover le sport nautique et que la jeunesse des écoles affluerait vers eux avaient jeté les bases d’un projet gigantesque en vue duquel ils recueillaient des fonds et faisaient déjà des démarches. Il s’agissait de la pointe de l’île de Puteaux. Là, en travers de l’île, avec façade tournée vers le pont de Neuilly et sortie sur les deux bras de la Seine, ils voulaient édifier un club pourvu de tout le confort moderne et qui serait, en quelque sorte, le quartier général du rowing élégant et le centre du mouvement amateuriste. Or ce terrain était occupé en location mais sans bail ferme par la Société de Sport de l’île de Puteaux dont l’exécution du projet en question aurait pratiquement comporté la destruction. Le terrain que ces messieurs se proposaient d’acheter s’étendait au delà du chalet vestiaire et des premiers cours de tennis. Tandis que M. de Janzé courait chez MM. de Rothschild, propriétaires de l’île, j’allais voir l’architecte du futur club. Nous trouvâmes, l’un et l’autre, les choses beaucoup plus avancées que nous ne pensions. Dans l’ardeur de leur récente évolution, les rameurs avaient mené tout cela tambour battant ; les négociations pour la vente étaient en train, les plans et devis étaient prêts et fort réussis d’ailleurs. Or une pareille aventure eût constitué, pour l’Union des Sports athlétiques un coup dont elle aurait eu grand’peine à se relever. Je sentais parfaitement combien elle avait besoin de la Société de Puteaux, de M. de Janzé et de son groupe. Mais le moyen de faire comprendre cela autour de moi ! L’Union se composait encore d’îlots autonomes entre lesquels les liens n’avaient pas eu le temps de se former. Le Racing-Club, la Société de Puteaux et le Cercle de l’Aviron constituaient trois centres parfaitement étrangers les uns aux autres. Je représentai de mon mieux à mes collègues du Comité la nécessité d’intervenir ; ils y avaient quelque répugnance ; j’obtins enfin de beaucoup d’entre eux la promesse d’un vote d’exclusion du Cercle de l’Aviron et je m’en allai trouver M. Lefebvre avec qui j’eus une contestation des plus vives mais qui finalement céda. Une note, publiée à l’officiel du Cercle de l’Aviron, le 10 février, annonçait en termes discrets le retrait du projet. Pour n’être plus exposé à pareille alerte, M. de Janzé s’occupa aussitôt de réunir les fonds nécessaires et, quelques mois plus tard, la Société de Sport de l’île de Puteaux se trouvait propriétaire de son terrain. La parfaite administration de son président l’avait mise à même de supporter allègrement de lourdes charges.

Cette chaude alerte passée, rien ne troubla plus le ciel unioniste.