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me dit Strehly. « Beaucoup trop tôt » confirma un universitaire qui ajouta ; « Les parents ne sont pas encore mûrs pour un sport pareil ! » Ah ! mon Dieu, pauvres parents ! Comme ils mûrissaient lentement.

L’annexion du père Didon compensa pour nous, et bien largement, la faillite de la boxe. Je ne le connaissais pas mais à peine avais-je appris sa nomination comme prieur d’Arcueil que j’avais deviné en lui un appui futur de notre œuvre. J’avais aussitôt été le trouver dans ce cabinet de la rue Saint-Jacques où il recevait une après-midi par semaine. Je lui avais raconté le refus opposé par son prédécesseur à nos invites et le grand désir que nous éprouvions de voir se fonder à Arcueil une association scolaire dont les jeunes champions lutteraient avec ceux des lycées. « Venez la fonder, me répondit le père Didon ; j’en serai ». Le 4 janvier 1891, je m’en étais donc allé faire une conférence aux élèves de l’école Albert le Grand et je leur avais annoncé pour le 13 courant, un rallye. Le rallye eut lieu à la date fixée ; j’emmenai trois élèves pour faire les lièvres avec moi ; le père Didon nous accompagna ; je le vois encore sautant des fondrières au flanc d’un coteau labouré près de Bourg-la-Reine. L’Association athlétique Albert le Grand était fondée ; elle donna ses premiers championnats le 7 mars.

Le premier mois de l’année avait, du reste, été bien employé. Le 8 janvier avait eu lieu, comme l’année précédente, l’assemblée générale du Comité de propagation des exercices physiques tenue à la Sorbonne sous la présidence de M. Jules Simon et, le 18 du même mois, un grand banquet, organisé conjointement par le Comité et l’Union, avait réuni chez Lemardelay soixante-dix convives parmi lesquels le général Parmentier, le père Didon, les proviseurs des Lycées Louis le Grand, Buffon, Lakanal, Janson de Sailly, MM. Hébrard de Villeneuve, Dérué, etc…, ainsi que M. Lepère, le nouveau président de l’Union des Sociétés d’aviron. Jules Simon y avait prononcé un fort beau discours. L’Union prospérait ; le chiffre de ses membres honoraires montait à 106 et huit équipes se présentaient pour le championnat de foot-ball. Enfin elle avait un magnifique local sis 131 rue Montmartre. Jusque-là, le comité sans asile s’était en général réuni chez le président puis chez moi. M. Reichel dont l’ingéniosité égalait le zèle obtint pour elle l’usage gratuit des bureaux d’une affaire dont il était, je crois, liquidateur. La rédaction des Sports Athlétiques s’y installa très au large et nos séances prirent une grande majesté