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ii

L’ÉTAT DES CHOSES EN FRANCE


L’appui dont j’avais besoin pour réaliser ce vaste dessein aurait pu me venir de trois sources différentes : d’une disposition favorable de l’opinion — d’un courant réformateur se manifestant dans les établissements d’éducation — enfin, d’un concours effectif fourni par les sociétés d’exercices physiques déjà existantes. J’ajouterai comme quatrième source utile : de mes moyens personnels. Il est certain que si mon budget de jeune homme s’était élevé à cent mille francs par an, j’aurais eu toute facilité pour mener une de ces campagnes fulgurantes qui, se traduisant en fondations appropriées, créent à travers un pays une conviction rapide. Les résultats de pareilles campagnes, toutefois, sont peu durables ; et puis, si j’avais eu de telles sommes à ma disposition, aurais-je réussi à les bien employer ? J’en doute et remercie le ciel de ne me les avoir point départies. À défaut de ce dangereux nerf d’action, que m’apportaient les idées courantes, les collèges, les groupements gymnastiques et sportifs antérieurement créés ? C’est là ce que je voudrais indiquer rapidement dans ce chapitre et le suivant.

Les idées courantes n’étaient pas ce qu’on se figure rétrospectivement. Il y avait, certes, un grand désir de réformes qui s’affichait bruyamment. On condamnait à tout propos et dans des termes volontiers rigoureux le système d’éducation en usage en France. Mais orateurs et chroniqueurs se tenaient presque toujours dans les généralités ou bien ils extrayaient de leurs souvenirs d’écoliers toute une gamme de rancunes. Maxime du Camp n’avait-il pas écrit ces sombres lignes : « Encore à l’heure qu’il est, je ne puis voir passer une bande de lycéens sans être pris de tristesse et lorsque, par hasard, je rêve que je suis rentré au collège, je me réveille avec un battement de cœur. » Beaucoup de Français en eussent dit autant. Par contre, il y avait déjà vingt années que M. Sainte-Claire-Deville, dans une retentissante communication,