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tuelle de l’élève ne s’accroît pas (c’est un euphémisme : on devrait dire diminue) en raison des connaissances acquises ». Après avoir mené une enquête à travers pas mal de pays, j’en suis venu à cette conviction que ce qui a fait faillite en cette affaire, c’est la méthode synthétique. Avec des éléments variés qui sont les divers ordres de connaissances, l’enseignement secondaire visait à créer dans le cerveau humain une culture d’ensemble, une conception homogène du monde et de la vie. C’est à quoi il ne réussit plus et il n’y a pas lieu de s’en étonner. Depuis un siècle les connaissances humaines se sont prodigieusement accrues : en acquérir les « fondements » est demeuré le but de l’enseignement secondaire. Comment y parvenir ?… Là est la cause du désordre mental, le même chez l’homme et chez l’adolescent, chez le bachelier et chez le docteur. Il ne saurait diminuer de lui-même. Tout aspect nouveau, toute découverte inattendue viendront forcément l’accroître. Si déjà le point d’arrivée se trouve hors de portée, ce n’est pas en multipliant les points de départ ou en allongeant la route indéfiniment qu’il deviendra plus facile d’accès. Si la synthèse est déjà si difficile à réaliser avec les éléments actuels, comment ne le serait-elle pas davantage encore avec des éléments plus nombreux ?

Y a-t-il une méthode inverse ? sans doute. Il y a la méthode analytique. Il suffit pour l’appliquer à l’enseignement secondaire de déterminer sur quels ensembles portera l’analyse. Et l’analyse aura ici cette grande supériorité sociale que, dès le principe, un examen analytique crée de la lumière et que, si même on l’abandonne à peine commencé, la notion subsiste de l’ensemble qu’on prétendait analyser. Tandis qu’une synthèse laissée inachevée n’a dissipé aucune ténèbre, si même elle n’en a pas amassé de nouvelle. Combien de déclassés dans une démocratie moderne qui ne sont que des synthétistes restés en route. Or les « ensembles » que l’enseignement secondaire a à sa disposition sont proprement au nombre de deux. Il y a deux blocs. La connaissance scientifique du monde matériel depuis le système solaire et la géologie jusqu’à l’agriculture et à l’industrie constitue l’un. La pensée et le geste de l’homme à travers les siècles c’est-à-dire l’histoire politique, intellectuelle, artistique, économique de l’univers, constituent l’autre. Ajoutez y l’étude des langues, ces instruments de perfectionnement et vous avez la division d’un enseignement secondaire comprenant beaucoup de choses nouvelles mais vide par ailleurs d’une surprenante quantité de détails historiques et scientifiques