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bon et de mauvais au but si élevé et en même temps si pratique qu’il se proposait.

Or tous les leviers modernes, association, vote, presse, opinion, hiérarchie élective qui, dès lors, fonctionnèrent avec ordre et méthode autour de lui, furent alimentés par le sport. Pourquoi s’associer entre collégiens ? Pour faire des thèmes ou des versions ? Ce serait absurde… mais pour jouer au football ou au cricket, c’est raisonnable et normal. Un journal scolaire ? S’il se mêle d’apprécier les initiatives du pouvoir exécutif et de critiquer la législation, il ne sera que pédant. S’il se permet de s’en prendre aux professeurs et de discuter leur enseignement, il sera dangereux. Mais si, à côté d’une mention presque sans commentaires des grands faits de l’ordre public, il s’attache à servir d’annales à l’existence scolaire et surtout aux jeux, son action sera utile et bienfaisante pour les rédacteurs et pour les lecteurs, les seconds, d’ailleurs, prêts à venir à la rescousse occasionnellement et à aider ainsi les premiers.

Arnold aimait pour lui-même et pratiquait les sports ; il en saisissait admirablement les aspects variés ; notamment au point de vue de l’hygiène morale, rien ne lui semblait plus sportif que l’effort physique intense : ce pieux clergyman était aussi un de ces « muscular christians » qui commencèrent vers le même temps à faire parler d’eux outre-Manche et dont on ridiculisa vainement les doctrines ; elles s’imposèrent d’elles-mêmes. Il m’est impossible de m’étendre, ici, sur tous ces sujets. J’en aurais bien long à dire encore sur Thomas Arnold. J’espère que quelque jour on élèvera à sa mémoire un monument digne de lui et qui le fera mieux connaître.

Pour me résumer, de ma minutieuse enquête à travers l’Angleterre pédagogique bientôt complétée par des enquêtes sur la pédagogie américaine, le Canada et les colonies britanniques, je tirai les conclusions suivantes qui n’ont fait que se confirmer depuis dans mon esprit : 1o que le monde anglo-saxon disposait d’une puissance très supérieure à ce qu’on croyait généralement et surtout beaucoup plus une qu’on ne l’admettait alors (les événements ont, j’ose le dire, fourni depuis une complète justification de ce que j’avançais il y a vingt ans) ; 2o que cette puissance était récente et non héréditaire, qu’elle ne tenait qu’en partie aux qualités de la race et qu’elle avait sa source principale dans la réforme accomplie par Thomas Arnold ; 3o que ladite réforme avait consisté à organiser dans le collège tous les leviers modernes