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LA GYMNASTIQUE UTILITAIRE



Le problème de la « popularisation » des sports est complexe. On peut le résumer en quatre points. Pour que les sports deviennent populaires, il est nécessaire : 1o que l’apprentissage en soit rapide, 2o que la pratique en soit peu coûteuse, 3o que l’entretien des connaissances acquises soit facile… Et tout cela n’est rien si il n’existe pas : 4o un motif puissant et urgent qui incite l’individu à s’y livrer. Voilà bien des conditions difficiles à réaliser en dehors desquelles pourtant aucun progrès ne saurait être atteint.

J’ai considéré ce quadruple problème pendant des années sous ses aspects divers cherchant par où l’aborder et je n’ai pensé avoir fait une brèche efficace dans sa muraille d’enceinte que lorsque m’est apparu, comme solution au § 4, le principe d’un utilitarisme nouveau. Rien à faire de nos jours — j’entends rien de régulier, de quotidien — en dehors de la notion d’utilité. Et ce n’est pas le moins du monde que l’individu d’aujourd’hui soit peu accessible au sentiment. Il ne l’est pas, à mon avis, beaucoup moins que son père ou son grand-père. Mais les conditions d’existence se sont modifiées de telle façon que l’utilitarisme est devenu en quelque sorte une règle de conduite obligatoire pour la majorité des hommes ; s’en indigner ou le déplorer, c’est perdre son temps. Le fait s’impose.

Or on ne peut s’attendre à être suivi si l’on prêche à une semblable humanité l’exercice physique au nom de l’esthétique ou de l’hygiène. Ne perdons pas de vue qu’il s’agit ici des masses populaires, c’est-à-dire de ceux qui n’ont pas trop de tout leur temps et de tout leur effort pour s’assurer de quoi vivre ou se hisser de quelques échelons sur l’échelle sociale. Parmi ceux-là, certains ont l’esprit sportif ; tant mieux pour eux. Ils se grouperont d’eux-mêmes dès qu’ils le pourront. Mais les autres ?… La poursuite de la beauté n’occupe guère leur attention. Quant à la santé, elle ne les intéresse que lorsqu’ils l’ont perdue. Or la gymnastique par