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sans appel du sport. Le texte sacré aperçoit dans « l’orgueil de la vie » l’une des pires sources de péché et nettement il la désigne à la méfiance horrifiée des fidèles. Dans quel sens pourtant faut-il accueillir cette expression si pittoresque et suggestive ? Dans son sens matériel ou moral, physiologique ou psychologique ? Toute la question est là.

Physiologiquement, l’orgueil de la vie c’est l’essence et le criterium du sport. Pas un sportsman qui n’en ait goûté la merveilleuse vibration et n’aspire à la goûter encore. Que si, au contraire, on Pie x
s. s. le pape pie x
entend par « orgueil de la vie » non point la recherche d’une puissante sensation physique, d’une légitime exubérance de la nature susceptibles d’accroître les forces mécaniques et impulsives de l’être humain, mais cette folle vanité qui aveugle certains hommes, les entraîne vers une exaltation démesurée de leur propre personnalité et les amène, perdant de vue l’espace et le temps, à se croire de véritables foyers des ellipses mondiales — alors, bien loin qu’il y ait opposition irréductible entre la religion et le sport, ils apparaissent presque solidaires car, de cet orgueil-là, le sport est un adversaire déclaré. École de modestie et de persévérance, il enseigne la valeur de la comparaison quotidienne avec soi-même et avec autrui, il oblige à tenir compte des circonstances et des ensembles, il réprouve tout excès, il accoutume à l’inlassable lutte. À quel meilleur auxiliaire la religion pourrait-elle avoir recours ?

Le clergé anglican fut le premier à s’en aviser ; par la suite, le clergé catholique anglo-saxon suivit, quoique assez timidement, l’exemple donné. Quelques collèges du continent entrèrent à leur tour dans cette voie féconde. Récemment, les patronages français ont formé une puissante fédération de gymnastique et de sport.