Page:Coubertin - Une campagne de vingt-et-un ans, 1909.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 2 —

j’avais le sentiment que là seulement se trouvait un remède efficace : dans une éducation modifiée, transformée, capable de produire du calme collectif, de la sagesse et de la force réfléchie.

À demi entré à Saint-Cyr et pressentant une longue période de paix avec devant moi toutes les monotonies de la vie de garnison, je me résolus brusquement à changer de carrière dans le désir d’attacher mon nom à une grande réforme pédagogique. Je n’imaginais pas, toutefois, que cela se pût en dehors de la politique. Croyant alors à la puissance efficace du parlementarisme pour transformer les mœurs, il me semblait que la transformation rêvée devait nécessairement trouver son point de départ dans le Parlement et en recevoir les encouragements désirables. À distance, cette naïveté me fait sourire ; je ne tardai pas à en comprendre le néant et la tentation d’entrer dans la vie politique ne fut jamais assez grande, même lorsque peu d’années après l’occasion s’en offrit, pour me détourner de ma route. En attendant, c’est à l’École des Sciences Politiques que j’étais allé demander le complément d’instruction nécessaire et à l’étude de l’éducation anglaise que je m’étais attelé (dès 1883 et non sans méfiance et idées préconçues d’ailleurs) pour y puiser, sinon des principes certains, du moins des avertissements utiles.

Le premier collège que je visitai fut celui de Beaumont appartenant aux Jésuites et situé près de Windsor. J’y avais des amis polonais qui y terminaient leurs classes ; leur sort me parut plus digne d’envie que je ne l’aurais pensé d’après ce que j’avais lu bien des années auparavant dans le Journal de la Jeunesse où avait paru, en 1875, une traduction-adaptation faite par J. Girardin du célèbre livre anglais Tom Brown’s School days. J’aperçus dès alors cette chose imprévue et cachée : « la pédagogie sportive » ; il existait tout un plan de formation morale et sociale dissimulé sous le couvert des sports scolaires. Personne n’en parlait, ou, pour m’exprimer plus exactement, personne ne semblait y attacher d’importance, ni en France, ni en Angleterre. Dans les dernières années du Second Empire, MM. Demogeot et Montucci avaient été chargés par le ministère de l’Instruction publique de France de conduire une vaste enquête sur les collèges britanniques ; il en était résulté deux gros volumes pleins de détails précieux et auxquels M. Taine, pour le chapitre de ses Notes sur l’Angleterre consacré à l’éducation, avait fait de fréquents emprunts. Assurément, M. Taine et MM. Demogeot et Montucci admettaient fort bien que le sport jouât dans l’éduca-