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ironie ! — mon plan primitif se trouvait exécuté par ceux-là mêmes qui l’avaient si véhémentement répudié.

Les athlètes étrangers, auxquels on s’était flatté de préparer à Courbevoie une plantureuse hospitalité, se casèrent en général où ils purent. Certains reçurent des billets de logement pour des bastions des fortifications ; il s’y passa d’étranges choses si l’on s’en remet à un rapport allemand qui, lorsqu’il fut publié chez nos voisins un an plus tard, faillit déchainer une campagne de presse. La lamentable odyssée à travers Paris des jeunes concurrents teutons que personne n’avait reçus à la gare, dont personne ne s’occupait et qui paraissent avoir été traités sans le moindre égard pendant leur séjour, était faite pour irriter l’opinion d’Outre-Rhin. Ils se crurent atteints dans leur patriotisme et qu’on avait voulu leur faire injure. Or il n’y avait là que du désordre et de l’incurie. Je m’employai à étouffer l’affaire et ce fut difficile. J’ai tout un dossier s’allongeant jusqu’au 19 mars 1902, époque où fut mis le point final à cette affaire ; elle se compliquait de plaintes au sujet de médailles qui, à la même date, n’avaient pas encore été remises à leurs destinataires.

Cette première expérience de « sports officiels » était concluante. Toutes les fois que les pouvoirs publics voudront s’ingérer dans une organisation sportive, il s’y introduira un germe fatal d’impuissance et de médiocrité. Le faisceau, formé par les bonnes volontés de tous les membres d’un groupement autonome de sport, se détend sitôt qu’apparaît la figure géante et imprécise à la fois de ce dangereux personnage qu’on nomme l’État. Alors chacun se libère de toute contrainte et ne songe plus qu’à « tirer la couverture à soi. » À quoi bon un effort désintéressé pour l’économie ou la bonne organisation ? L’État est là pour payer et pour être responsable. Ainsi se passèrent les choses en 1900. La néfaste influence se fit sentir à travers tous les concours et n’épargna même pas le congrès de l’Éducation physique mis debout grâce à M. Demeny et qui, isolé et indépendant à la façon par exemple des congrès de 1889, eut obtenu un succès digne de son programme et de ses participants.