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gardé si même je l’avais pu. Il était trop tard désormais et je considérais en moi-même la partie comme perdue. M. Mérillon pensait à peu près de même puisqu’il m’écrivait le 12 février : « Je n’ai pas besoin de vous dire à quel point j’enrage de ne pas voir arriver la fin du préparatoire. Nous y serions sans l’intervention du Ministre qui veut tout connaître ! J’espère encore surmonter cette crise ou je m’en irai ».

Bien que le Comité de La Rochefoucauld eût disparu, on continuait d’ailleurs de s’adresser à lui par mon intermédiaire comme s’il eût subsisté. Les comités Olympiques de participation constitués en Suède, en Hongrie, en Autriche, en Bohême semblaient ignorer l’organisation officielle ou du moins ne pas la prendre au sérieux. Il n’était pas jusqu’au commissaire du Canada à l’Exposition qui n’eut recours à nous. Si bien que l’un des secrétaires constatant qu’au dehors on persistait à « n’être pas au courant » me demandait encore en février 1900 d’intervenir à nouveau et réclamait l’emploi des mots Jeux Olympiques comme « utiles au point de vue de l’étranger » pour désigner les concours de l’Exposition. Mais l’entièrisme de M. Alfred Picard ne pouvait y consentir.

Le 19 février, M. Mérillon m’annonça joyeusement que « tout était signé » et qu’on allait entrer en pleine exécution ». Comme je viens de le dire, il était trop tard. Les concours furent ce qu’ils pouvaient être dans de telles conditions c’est-à-dire médiocres et sans prestige. Je ne puis toutefois endosser, dans leur excessive sévérité, les jugements que portèrent sur l’ensemble de ces manifestations bon nombre de ceux qui coopérèrent à leur préparation : jugements que l’un d’eux, M. de Saint-Clair, résumait quelques mois plus tard dans une lettre qu’il m’adressait en qualifiant l’organisation des concours de l’Exposition d’« incommensurable fiasco ». Entouré de commissions et de sous-commissions dix fois trop nombreuses, retardé jusqu’à la dernière heure par les chinoiseries administratives, harcelé par les réclamations et les exigences des sociétés, il faut admirer que M. Mérillon ait tiré quelque chose de ce chaos et son labeur, à défaut d’une réussite impossible, justifiait pleinement l’attribution de la Médaille olympique que lui vota en 1901 le Comité International et que nul « particulier » n’avait encore reçue, les premiers exemplaires ayant été remis aux présidents Faure et Mac-Kinley, à l’empereur d’Allemagne, aux princes héritiers de Grèce et de Suède et au grand-duc Wladimir.