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olympiade et les sommes qu’elle devrait y dépenser. Enfin je considérai les difficultés politiques susceptibles de surgir au travers de ces mêmes olympiades et d’en entraver la succession régulière. Je ne tardai pas à me convaincre que fixer de façon définitive et exclusive le siège de l’olympisme restauré en Grèce équivalait au suicide de mon œuvre. Je résolus donc de lutter par tous les moyens contre les obstacles qui, en quelques jours, s’étaient accumulés en travers de la route.

La presse athénienne se dépensait en efforts tendant à rattacher le rétablissement des Jeux Olympiques à la fondation des frères Zappas et à réclamer du parlement le vote d’une loi assurant la régularité de leur célébration à venir. Le plus délicat était que, dans le toast porté à l’issue du déjeuner de quatre cents couverts offert par le roi dans la grande salle de son palais, Sa Majesté avait fait une allusion directe à la possibilité de choisir Athènes comme le « champ stable et permanent » des futurs concours. La parole royale avait déconcerté les membres du Comité International. En même temps circulait une sorte de pétition que les équipiers américains avaient revêtu de leurs signatures et qui visait au même but. Que dire ? Beaucoup de mes collègues se demandaient si nous avions autre chose à faire qu’à nous incliner et à nous dissoudre. Ils craignaient, si nous n’agissions pas ainsi spontanément, d’y être forcés en quelque sorte par l’opinion universelle. Or l’opinion universelle ne s’occupait guère de ce qui se passait à Athènes. L’éclat des Jeux rehaussés par la présence du roi de Serbie, du grand-duc Georges, de l’archiduc Charles-Louis nous masquait l’inattention relative avec laquelle au loin on appréciait cet événement : comme un fait-divers très brillant mais non point comme une institution dont les conditions d’avenir fussent intéressantes à discuter. De toutes les craintes que j’éprouvais à aller de l’avant, celle-là — celle d’une hostilité et d’une pression de l’opinion universelle — était la plus vive. Je me décidai à passer outre et je fis bien.

Dès qu’à l’issue des jeux, M. Bikelas m’eut remis la présidence du Comité International[1] j’adressai à Sa Majesté la lettre suivante que je communiquai ensuite à tous les journaux :

  1. Le règlement du Comité International proposé par moi-même en 1894, attribuait la présidence au pays dans lequel devaient être célébrés les prochains Jeux. Conformément à ce règlement, M. Bikelas avait exercé cette présidence de 1894 à 1896, et je devais moi-même l’assumer de 1896 à 1900 ; je dirai plus tard comment le règlement fut modifié.