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mais perdu à jamais celui d’influencer la civilisation. Mon impression première fut tout autre et depuis elle a sans cesse été se confirmant. Je crois que l’hellénisme a un grand rôle à jouer dans le monde. Libéré, il s’est très rapidement dépouillé de ses scories ; il est redevenu lui-même ; la force matérielle lui reviendra peu à peu et il n’a rien perdu de sa force morale.

De même, je trouvai Athènes bien différente de la bourgade agrandie que me promettaient les récits de voyageurs peu sympathiques ou n’osant pas, en marquant leurs sympathies, combattre des préjugés répandus. La ville de Pallas en son blanc vêtement de marbre était vraiment « taillée en capitale ». Les jeux olympiques y feraient aisément belle figure. Au point de vue technique, elle possédait tout le nécessaire sauf un vélodrome qu’il était depuis longtemps question d’y construire. La rotonde du Zappeion conviendrait à merveille aux concours d’escrime ; le vaste manège du quartier de cavalerie, un stand médiocrement entretenu mais bien situé, la baie de Phalère pour le yachting et l’aviron, celle de Zéa pour la natation ne nécessitaient que des compléments d’aménagement ; les courses à pied et les concours de gymnastique auraient lieu dans le Stade qu’il n’était bien entendu nullement question de rétablir dans son intégralité marmoréenne. Je n’aurais pas même eu l’idée de le conseiller si les fonds s’étaient trouvés à portée ; et ils ne s’y trouvaient pas. La forme du stade en effet constituait techniquement un fâcheux anachronisme auquel il était convenable de recourir par égard pour l’inauguration d’une nouvelle série d’olympiades et pour un sol si vénérable mais qu’on ne devait pas chercher à prolonger. Je me contentais de le rebâtir en imagination, assis sur un talus pittoresque — et de calculer prosaïquement le nombre de drachmes nécessaires pour faire sa toilette et y dresser des tribunes provisoires.

La Société littéraire le Parnasse dont le président était alors M. Politis et le secrétaire général M. Lambros m’ayant demandé une conférence, j’exposai le 16 novembre devant un très nombreux auditoire la question des Jeux Olympiques de 1896 telle qu’elle me semblait se poser devant le public athénien. Bien entendu je me gardai de faire allusion aux disputes qui s’ébauchaient à ce sujet dans le monde politique et que synthétisait assez drôlement une caricature parue dans un journal satirique et représentant M. Delyanni boxant avec M. Tricoupis à propos des Jeux. Il devenait notoire en effet que M. Delyanni sans se compromettre ouvertement se montrait favorable