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l’entente cordiale

les cérémonies appropriées ; aucun Bérenger ne les chansonne et la Liberté n’en est point morte. On ne saurait dire, hélas ! qu’elle se porte plus mal à Londres — ni même à Vienne — qu’à Paris.

En regard de ces incidents, l’Europe avait vu le relèvement financier, militaire, politique de la France s’opérer avec une rapidité qui tenait du prodige ; les Français étaient les seuls à ne pas s’en apercevoir. Pour connaître le rang que notre pays avait recouvré dans le monde, il suffit d’analyser les communications de nos ministres et de nos ambassadeurs aux gouvernements étrangers au cours d’un congrès comme celui de Vérone ou à la veille d’une expédition comme celle d’Alger. Le ton en est d’une belle assurance et d’une noble fierté. Les chancelleries que la guerre d’Espagne et la gloire de Navarin avaient averties de nos progrès s’étaient peu à peu résignées à l’idée d’une révision des traités de 1815. Elles savaient inévitables et prochaines la révolte des provinces belges et leur annexion à la France.

Du jour au lendemain, tout fut changé. L’Europe, dont une secousse malencontreuse réveillait soudainement les vieilles rancunes à l’égard de la France, se vit en présence d’un prince qui tenait son trône d’un hasard insurrectionnel et s’ingéniait à l’asseoir en équilibre sur deux principes contradictoires : la légitimité héréditaire dont son avènement était la négation et la volonté nationale qui se trouvait, en fait, escamotée. Aucun régime n’aurait rencontré de pires difficultés et la république assurément se fût imposée à l’Europe avec plus de facilité que Louis-Philippe. Le nouveau monarque se mit à l’œuvre bravement. Casimir Perier l’aida à établir son autorité au dedans, Talleyrand à fonder son crédit au dehors ; les deux tâches exigèrent de grands sacrifices. Pour mettre fin à un isolement diplomatique qui n’était pas seulement humiliant mais devait exercer de fatales répercussions sur le corps électoral, il fallait avoir quelque chose à offrir en retour de l’appui demandé : on proposa à l’Angleterre de l’aider à fonder une Belgique