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L’ENTENTE CORDIALE


23 juillet 1903.

Il est bien difficile aux pires anglophobes de dénier l’éclat et la spontanéité des manifestations francophiles par lesquelles le président de la République a été accueilli en Angleterre. Que le roi et ses ministres se soient inspirés, en cette circonstance, de profonds desseins politiques, que l’aristocratie et les classes supérieures, saisissant l’arrière-pensée des pouvoirs publics, aient su se placer d’instinct au même diapason, ce sont là choses acceptables ; mais que la foule ait obéi à de pareils calculs et deviné ce que personne ne lui disait, voilà qui n’est pas admissible. La foule a témoigné envers la France d’une amitié vibrante et chaleureuse dont on ne saurait discuter l’évidente sincérité.

Du reste, ceux qui connaissent la véritable Angleterre n’ont pas été surpris ; ils savent de quel prestige persistant bénéficie auprès d’elle la civilisation française. Le cabinet de Saint-James a pu nous être hostile, les snobs londoniens ont pu se détourner de nous ; au fond de son cœur, l’Anglais laborieux qui n’est pas mêlé à la politique et ignore le snobisme, nous gardait envers et contre tout une sympathie solide ourlée d’une petite pointe de dédain et festonnée de quelque jalousie. Nous demeurons à ses yeux le peuple benjamin, enfant gâté de la nature, dont le rire égaye l’humanité et dont le geste d’artiste décore et embellit les rudes architectures dressées par le travail opiniâtre des autres peuples ; nous ne savons faire que cela, paraît-il,