Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
l’incertitude magyare

gliger tout à fait l’avertissement. Certains des groupes teutons coagulés sur la terre hongroise ont affiché tout à coup, avec une intensité singulière, des sentiments nouveaux ; ils ont paru se considérer comme les avant-postes orientaux de la Germania, comme les éclaireurs de sa marche prochaine vers l’Est. L’écho de leurs prétentions est venu se répercuter à Berlin où il a été reçu avec un embarras visible et désavoué d’une façon pleine de réticences. Il n’est pas bien certain que ces colons très zélés se soient montrés en cette circonstance bien habiles à faire le jeu de leur patrie, mais l’empire allemand peut-il blâmer des Allemands qui se réclament de sa force et de son prestige ?

Ce n’est donc pas assez du péril slave, il y a encore le péril allemand. L’un et l’autre subsistent et, loin de s’affaiblir, paraissent s’aggraver ; car, d’un bout à l’autre de son histoire, le peuple magyar, pour résister et conquérir, s’était appuyé sur les divisions perpétuelles de ses adversaires et sur leurs querelles intestines : divisions des Slaves, opprimés par les Ottomans retardataires, ignorants de leurs propres forces et se déchirant entre eux ; divisions des Impériaux sans cesse aux prises avec les difficultés provenant de la constitution même du Saint-Empire et de ses intérêts contradictoires. Grâce à cela, les Magyars purent imposer leur nationalité et s’annexer un territoire bien plus vaste, et exercer une influence bien plus considérable que ne le comportaient leur nombre et leur richesse. Ces avantages péniblement acquis, il s’agit maintenant de les conserver. Pour cela le jeu de bascule serait un procédé de mince valeur et de dangereuses conséquences. Il faudra de toute évidence chercher à droite ou à gauche un appui ferme et s’y tenir.

Rien d’étonnant qu’une si grave alternative pèse sur les moindres aspects de la vie politique hongroise. C’est, en somme, tout l’avenir national qui est en jeu, l’avenir d’une race bien décidée à ne rien aliéner de son patrimoine, à ne rien laisser slaviser ni germaniser autour d’elle, et que