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RESPONSABILITÉS NATIONALES


13 juin 1903.

Quand le temple a été souillé, les ministres du culte, après une sorte de délai expiatoire, le consacrent à nouveau par des cérémonies appropriées. C’est là une coutume dont l’origine se perd dans la nuit des âges ; elle est logique et respectable.

Assurément, la politique n’est point une religion et rien ne ressemble moins à une église que le cabinet d’un chef d’État ou l’enceinte d’un parlement souverain ; les actes gouvernementaux qui s’y élaborent revêtent pourtant un caractère de solennité et de gravité qui les distingue des actes privés. C’est la doctrine catholique ; tout pouvoir, dit-elle, vient de Dieu. Il est certain que le jour où le droit non pas de lutter légalement contre les décisions du pouvoir mais de supprimer brutalement ceux qui l’exercent se trouverait inscrit parmi les privilèges inhérents à la qualité d’homme libre, la douce anarchie serait à nos portes ; il ne resterait plus qu’à délibérer sur la meilleure manière d’ensevelir la civilisation moderne — celle-là même dont nous sommes si fiers et dont nous célébrons volontiers les bienfaits — et sur le genre du monument à élever sur sa tombe.

L’Europe officielle ne paraît point pénétrée de cette vérité. S’il y a quelque chose de plus sinistre que le bruit des coups de feu de Belgrade, c’est la veulerie des gouvernements en face de cet épouvantable forfait. Dans toutes les capitales, les représentants de la Serbie auraient dû rece-