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LA TRANSFORMATION
DE LA MÉDITERRANÉE


23 avril 1903.

Du jour où l’Angleterre, déjà établie à Gibraltar et à Malte, se fixa en Égypte, on put croire que la Méditerranée allait s’affirmer chaque jour davantage comme le théâtre permanent des querelles anglo-françaises. Les prétentions transversales de Jacques Bonhomme s’y heurtaient aux ambitions longitudinales de John Bull ; la ligne Gibraltar-Port-Saïd y coupait à angle droit la ligne Alger-Toulon : il semblait qu’il y eût là comme un symbole des rivalités obligatoires. Au cours du long crépuscule que venaient de traverser l’Espagne et l’Italie, les seules escadres de guerre qui eussent croisé en ces parages portaient le pavillon de France ou celui d’Angleterre ; on n’était point accoutumé d’y saluer d’autres couleurs ; par contre, chacun persistait à regarder la Méditerranée comme la grande route du commerce international, l’unique raccourci vers les Indes et l’Extrême-Orient.

La situation a changé du tout au tout. Aux côtés de la France se dresse aujourd’hui une Italie nouvelle dont la Triple Alliance a cessé d’immobiliser ou de drainer vers le Nord les forces renaissantes, dont les finances ne sont plus embarrassées, dans laquelle l’émigration s’atténue avec la pauvreté et qui s’apprête à chercher en Tripolitaine une facile revanche des échecs de l’Érythrée. La Grèce et l’Espagne qui, toutes deux, ont passé par la redoutable épreuve de la défaite sans que leurs institutions en aient