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le rêve de la grèce

plit un pèlerinage de reconnaissance. Mais le même homme éprouve-t-il rien de semblable en pénétrant dans Sainte-Sophie ? C’est qu’il se sent solidaire de l’Hellade de Minerve et non de la Grèce impériale. Celle-ci reste soumise aux lois de vie et de mort qui gouvernent les nations ; l’autre y échappe : elle est immortelle.

Ne craignez donc point d’appeler à Athènes l’élite des races et d’y entendre résonner des langages étrangers. Bien loin d’en souffrir, la puissance de l’hellénisme en sera décuplée. C’est dans sa collaboration avec les civilisations occidentales qu’il puisera la force nécessaire pour rajeunir ses formules et trouver une parole d’avenir.

J’ai confiance en cette parole. Je crois qu’elle éclaircira notre atmosphère embrumée d’orgueil, qu’elle désaltérera nos sociétés grisées d’axiomes et de faits ; et s’il est vrai, comme le proclame mélancoliquement au soir de son existence M. Herbert Spencer, s’il est vrai que cet orgueil et ces axiomes préparent la « rebarbarisation » du monde, je crois que seules les formes de la pensée grecque, restaurées et mises au point, pourront arrêter cette néfaste décadence et refaire dans l’âme humaine l’équilibre rompu par le progrès.