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le rêve de la grèce

archipels, partout s’allumaient des foyers d’hellénisme, — tels s’allument, la nuit de Pâques, à l’annonce de la Résurrection, les innombrables cierges de cire dans les rues d’Athènes. On avait dit qu’il n’y avait plus de Grecs ; au contraire, il y en avait partout : le monde grec se reconstituait tout entier, prêt à rentrer dans l’histoire dont il était momentanément sorti.

Mais, ainsi qu’il advient autour de tout moribond que la mort tarde à prendre, le temps créa des héritiers nouveaux qui firent valoir des titres imprévus. Les disputes et les chicanes surgirent prématurément ; la confiance des Hellènes fit place à une douloureuse incertitude. L’expérience de la vie internationale les avait du reste avertis et ils savaient ne pouvoir compter, de la part des gouvernements, que sur d’égoïstes et passagères sympathies. Alors, sans renoncer à Constantinople, ils songèrent à Minerve.

Elle aussi, la sublime déesse, représentait une part des traditions nationales, la part la plus ancienne et peut-être la plus solide. Après tout, les peuples vigoureux, vaillants, ambitieux, arrivent à créer des empires dont la force se fait sentir au loin. Que de cités éparses dont les ruines attestent la grandeur passée ! Que d’acropoles dont les fières silhouettes racontent la prestigieuse histoire ! Que de sanctuaires riches encore de leurs débris vénérables ! Et pourtant il n’y a qu’un Parthénon et qu’un Homère ! Un seul peuple a su s’élever jusqu’à ces sommets de l’art et de la pensée. Un seul a mérité de nationaliser la Sagesse et d’incarner l’harmonie suprême de l’esprit humain.

De tels biens doivent fructifier entre les mains de qui les possède et peut-être aurait-on le droit de reprocher aux Hellènes d’avoir trop tardé à s’en rendre compte. Non pas, certes, qu’ils aient eu tort de vouloir acheter des canons et exporter des raisins secs. Aux plus beaux temps de leur rayonnement intellectuel, la guerre et le commerce servaient d’assises à leur génie. Et c’est par là que ce génie a si complètement dominé l’humanité. Il était foncièrement humain. Il ne tendait point, ainsi qu’on l’a dit à tort, vers