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MAISON DE POUPÉE…


24 juin 1906.

Toutes les sympathies et tous les vœux s’en sont allés ces temps-ci vers le jeune roi de Norvège et sa gracieuse compagne. Le spectacle n’était point banal de ce prince danois recevant dans l’austère cathédrale de Drontheim, à l’aube du vingtième siècle, l’emblème d’une dignité dont les origines plongent dans la nuit de la préhistoire Scandinave. Étaient présents, pour l’adopter comme leur successeur et leur descendant, les esprits des grands chefs d’autrefois dont les noms, rien qu’à les prononcer, évoquent pour nous de si viriles légendes. En tout cas, les assistants devaient sentir autour du trône restauré vibrer les ondes émouvantes de ce passé prestigieux. Il semble vraiment que rien n’ait manqué à la cérémonie, ni le salut respectueux des peuples ni les vœux sincères des gouvernements, ni l’autorité des traditions respectables ni le gage des libertés nécessaires — ni enfin le réconfortant souvenir d’une rupture exempte de sang versé sinon d’amertume et négociée de part et d’autre avec le souci réciproque de la dignité et de l’honneur des deux divorcés.

Malgré tout, les amis de la Norvège ne peuvent se défendre de quelque inquiétude ; c’est qu’à travers de récents incidents s’est manifesté — telle une bise polaire pénétrant dans une demeure insuffisamment close — le grand ennemi de l’avenir norvégien : l’esprit radical.

Il a été fait de ce terme dans le vocabulaire politique