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lois sociales

comme s’il y croyait. Maîtresses de leurs destinées ! Mais, vous-mêmes, chers lecteurs, ne cessez pas d’avoir présente à l’esprit la notion de cette évolution fatale dont l’éloquence politique se complaît depuis longtemps à citer sans cesse les décrets certains et que, plus récemment, la mentalité socialiste a réussi à transformer en un dogme intangible. Nombre d’historiens qui réfléchissent et racontent, nombre d’hommes d’État qui observent et agissent tiennent un compte égal dans leurs jugements et dans leurs décisions de la loi redoutable et mystérieuse à l’existence de laquelle ils croient ; c’est sans doute ce caractère de mystère et d’effroi qui en a fait le succès, car le prestige personnel de l’évangéliste Karl Marx n’aurait pas suffi à une telle besogne. Après tout, sur quoi repose-t-elle cette doctrine de l’évolution fatale ? Bossuet qui l’avait esquissée mais dans un tout autre esprit puisqu’il en rapportait les effets à la seule volonté de Dieu, ne s’était pas préoccupé de prouver son dire par un examen détaillé des faits. Marx, si même il en eût éprouvé le désir, en eût été incapable. Il semble que les exemples inverses abondent et qu’il n’y ait qu’à jeter un regard sur l’histoire pour en recueillir d’irréfutables. À lui seul suffirait pour abattre la théorie, le souvenir de cet empire grec qui passa dix siècles à aspirer aux sommets et parvint à les gravir à plusieurs reprises, parfois même à s’y maintenir.

Or, chez nous, un homme s’était rencontré qui, ayant ausculté d’une oreille scrupuleuse la vie des peuples, leur avait donné cette consultation rassurante : qu’il dépend le plus souvent de leur simple vouloir d’être sains et forts. Il y a évolution, certes ; évolution incessante mais déterminée par la majorité des volontés individuelles, des efforts individuels additionnés. La science antique, si faible dans ses moyens, si grande dans ses aboutissements, avait condensé cela en quatre mots que volontiers nous citons mais que nous oublions de méditer : Civium vires civitatis vis. Or, l’hygiène moderne n’a-t-elle pas dévoilé à l’homme qu’il est, par rapport à ses propres capacités, à peu près ce qu’est