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l’espagne et ses filles

Madrid, Mexico, Santiago, Buenos-Ayres, Lima sont les métropoles d’un commun hispanisme. Tout y est en retard, mais tout y progresse d’une manière uniforme. Commerce, croyances, éducation, gouvernement, littérature, sciences, — l’ensemble de la vie publique et privée donne l’impression d’un travail faible mais harmonieux, d’un développement lent mais simultané.

Par contre, les contacts de frontières sont innombrables et les disputes intestines toujours à craindre. Et enfin deux périls extérieurs chargent l’horizon. Il y a, d’une part, l’ombre portée des États-Unis dont un réveil du monroïsme peut ranimer les redoutables appétits ; de l’autre, l’inquiétant Brésil introduit comme un coin géant au sein de l’Amérique espagnole, proie tentante pour la colonisation européenne. Dans tous les cas, le génie espagnol a de l’espace devant lui ; il pourra se manifester librement, et voilà sans doute de quoi réjouir la fierté juvénile du prince vers qui s’élèvent tant de sympathies et de vœux. Si le roi d’Espagne a moins de sujets que ses ancêtres, il a beaucoup plus de compatriotes et la destinée l’a fait le plus haut représentant d’une des plus grandes races du monde civilisé, la seconde par le nombre, presque la première par l’illustration.

Nous sentons bien que le génie de cette race n’a point dit son dernier mot. Mais il cherche sa formule nouvelle et il semble dérouté par les préoccupations matérielles et les tendances précises de l’âme moderne, comme si, dans ce chaos fécond, il n’avait pu trouver encore une idée digne de lui.