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FAUTE D’UN CHEMIN DE FER


14 mars 1906.

Les destinées de l’Afrique française sont enfermées dans un dossier ministériel qui gît quelque part à Paris entre des fiches de fonctionnaires et des demandes de palmes académiques. Il y a bientôt vingt-cinq ans qu’il gît là.

Le sommeil de ce dossier nous aura coûté cher, mais il aura beaucoup rapporté aux Anglais et aux Allemands : aux premiers le Sokoto, la moitié du Bornou et l’évacuation de Fachoda sans compensations ; aux seconds, l’autre moitié du Bornou et la faculté de nous molester au Maroc. Tout cela faute d’un chemin de fer.

Ce n’était pourtant pas une si grande affaire de le construire, ce railway. Les Russes en ont fait un de 6 000 kilomètres aboutissant, à travers les plus âpres obstacles naturels, à la grande incertitude chinoise ; les Américains en ont établi deux de 5 000 kilomètres entre l’Atlantique et le Pacifique, à une époque où la science était loin d’avoir, pour de telles entreprises, armé l’homme comme il l’est aujourd’hui. La voie ferrée sud-africaine, partie du Cap, a déjà dépassé 3 000 kilomètres en franchissant des régions d’accès difficile. Pendant ce temps, nous continuons d’hésiter devant les 2 500 kilomètres en pays plat qui séparent l’Algérie du Tchad.

Serait-ce donc que les renseignements ont manqué ? Nullement car nous possédons depuis 1881 les données préalables essentielles. À cette date, en effet, le colonel Flatters,